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BRICE 3

Un film de James Huth

Vague jaune

Depuis sa précédente aventure, Brice vit sur sa maison fabriquée sur la plage de Nice. Un jour, celle-ci est démolie par la mairie pour cause de rénovation du littoral, et son ami Marius lui envoie un appel au secours. Brice part donc pour Hawaï. Et il n’est pas au bout de ses surprises…

Depuis que Jean Dujardin a pu révéler son talent aux yeux de la planète (au point d’avoir été courtisé outre-Atlantique grâce au triomphe de "The Artist"), on pouvait s’interroger sur la suite des événements : poursuivre sur cette voie glorieuse ou revenir aux fondamentaux ? Par surprise, l’acteur aura choisi la seconde option, sans doute moins pour faire preuve de modestie que pour marquer sa révérence à l’univers qui l’aura autrefois catapulté vers le succès. Et osons l’avouer, on espérait depuis un bon moment que le surfeur niçois couleur canari ressorte un jour sa planche de surf et ses sarcasmes casseurs pour s’en donner à nouveau à cœur joie dans la pure rigolade. On avait pu autrefois savourer "Brice de Nice" moins pour la comédie populaire qu’il aspirait à être que pour son absence totale de logique, limitant sa narration à une enfilade de sketchs nonsensiques au redoutable potentiel culte et servant sur un plateau jaune doré un univers à l’image de son héros, à savoir loufoque, absurde et extrêmement défini. D’une avalanche de répliques mémorables (qui n’a jamais prononcé « J’t’ai cassé !!! » face à quelqu’un ?) à des idées barrées propres à la sensibilité cartoonesque de James Huth, le film avait cassé la baraque. Mais faire une suite impliquait-il d’en rajouter une couche ?

La réponse à cette question interviendra assez vite par une astuce de « troll » qui rejoint en tous points celle du titre lui-même : puisque Brice annonce "Brice 3" en prétextant qu’il a « cassé » le n°2, autant assumer l’idée en faisant de cette suite un gros « cassage » de Brice dont nous serions les destinataires. Dès le départ, on sent pourtant venir la catastrophe : cette idée d’utiliser un Brice vieillard comme narrateur à des enfants d’une histoire totalement invraisemblable nous renvoie à l’aberration narrative qui, l’an dernier, faisait passer "Les nouvelles aventures d’Aladin" pour une monstrueuse arnaque. Sauf que, si le récit utilise à nouveau les interventions des enfants pour contredire l’action et relancer le récit d’une autre manière, la logique cachée derrière le projet s’avère bien différente. Comprenons par là que si "Brice 3" est une arnaque sur grand écran, il a l’honnêteté – voire même le grand mérite – de s’assumer comme tel en poussant la logique de son univers (déjà invraisemblable à la base) vers le point de non-retour, quitte à poser un regard décalé dessus. À bien y réfléchir, réussir une suite de "Brice de Nice" nécessitait d’en passer par là afin d’éviter l’apparition d’un ton trop consensuel qui aurait dénaturé l’univers au lieu de l’enrichir.

Pour ce faire, James Huth et Jean Dujardin ont choisi de pousser les curseurs à mille en ce qui concerne la « patte Brice ». Pas seulement le comportement du personnage, qui s’est aggravé en plus de n’avoir pas mûri pour un sou (plus idiot que lui, tu meurs !), mais surtout son statut de « marque ». Plus encore que dans le premier volet, Brice se visualise moins comme personnage de chair et de sang que comme un produit dérivé monté sur burnes, défini par un ensemble de signes et d’attitudes qui façonnent à eux seuls un curieux cocon de « branchitude », et auxquels le public, forcément marqué par l’univers en question, sait se connecter instinctivement par le biais de codes visuels (d’une overdose de couleur jaune) et marketing (tant de marques « Bricées » pour les besoins du film : Quick, Danette, Malabar, Milka, Carambar...). Face à un contexte pareil, il est donc assez logique de voir Brice se confronter à un ennemi bien plus redoutable que la galaxie d’Hossegor (Bruno Salomone et Alban Lenoir offrent ici de sacrés numéros). L’ennemi en question, c’est évidemment lui-même. Ou plutôt Brice de Nice en tant qu’image médiatique vouée à devenir incontrôlable.

L’idée est là : après une première moitié de scénario réglée sur une mécanique d’hilarité tout à fait optimale (grand moment : une bagarre fantasmée avec le Kamé Hamé Ha de "Dragon Ball Z" !), Huth place soudain Brice au sein d’une excroissance maladive de son propre univers, qui en trahit les codes à force de les exacerber et qui pousse le personnage à affronter sa part sombre. De manière générale, le film s’assimile facilement à une partie de « Kass contre Kass » entre la paire Huth/Dujardin et leur Némésis réciproque. Tandis que Dujardin accroît le potentiel cruel de son personnage culte tout en essayant de le sauver par une naïveté pour le coup insensée, Huth impose la marque Brice dans chaque recoin de l’écran (de façon volontairement excessive) pour mieux en révéler aussi bien l’envers branchouille que la vacuité intrinsèque. Cette tactique commune offre au film d’élever la schizophrénie barrée de l’univers de Brice vers des cimes assez inespérées, où le désir de « casser » fait jeu égal avec celui de se « casser » soi-même, et ce avant une pirouette finale – pour le coup assez prévisible – qui renvoie la morale aux chiottes et le film à son statut de doigt d’honneur fendard. Là où le premier film se contentait de nous faire rire, cette suite réussit à nous « casser », au propre comme au figuré. Une vague jaune est donc à prévoir dans les salles…

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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