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LES NOUVELLES AVENTURES D’ALADIN

Un film de Arthur Benzaquen

Finalement, "Iznogoud", c’était pas mal du tout…

À la veille de Noël, Sam et son meilleur ami Khalid jouent les Père Noël aux Galeries Lafayette. Mais Sam cache cette situation à sa petite amie, qu’il aime terriblement. À un moment, il se retrouve sollicité par des enfants et forcé ainsi de leur raconter une histoire. Ce sera l’histoire d’Aladin… Ou plutôt la sienne…

Réussir à nous donner envie de réhabiliter le – finalement pas si mauvais – "Iznogoud", film de Patrick Braoudé avec Michaël Youn, il fallait quand même oser. Réussir à nous faire râler devant une énième comédie française où les qualités d’écriture et d’humour sont inversement proportionnelles au budget étalé sur l’écran, c’est en revanche devenu une habitude pour nos réalisateurs (euh pardon, nos intermittents issus de la télévision, je voulais dire…). Mais là, le résultat dépasse à ce point les limites du tolérable qu’il constitue un cas d’école pour le moins édifiant. À bien des égards, "Les Nouvelles Aventures d’Aladin" est un film qu’il est indispensable de voir, histoire de sentir à quel point l’arnaque qui sous-tend 90% de la production comique hexagonale va tout à coup devenir claire comme de l’eau de roche pour le spectateur lambda. On ne peut que remercier le scénariste (euh pardon, le gars qui ne sait pas écrire, je voulais dire…) d’avoir osé un truc pareil, exploitant par accident la plus fatale des mises en abyme.

Histoire de bannir une fois pour toutes ce soupçon déplorable qui agite une large partie de la sphère critique vis-à-vis des comédies françaises (qui seraient soi-disant vouées à être systématiquement détruites par coutume, si l’on en croit les remarques de certains producteurs), on va d’abord s’attacher à clarifier les choses. Ce qui rend la plupart de nos comédies si pauvres et si mauvaises ne se résume pas tant au fait que l’humour réponde souvent aux abonnés absents (ça reste une question très subjective), et encore moins au fait que les ingrédients proposés soient en majeure partie issus de la sphère télévisée (logique : c’est désormais elle qui finance le cinéma français), à savoir des comiques abonnés aux calembours et une logique de mise en scène sans relief. Le problème central est ailleurs : l’écriture. Si l’on examine bien la façon dont la narration est souvent pensée et les dialogues travaillés dans le but de produire un effet comique immédiat, on ressent toujours un blocage, provenant le plus souvent d’un ensemble de gags et d’enjeux qui font sans cesse pièce ajoutée sur l’intrigue (en gros, on en vire un, ça ne change rien !) et qui traduisent un désir de multiplier les « saynètes » au détriment de toute « scène » et de toute logique narrative – quitte à ce que ça sonne faux. Comme astuce fainéante pour anéantir un concept parfois prometteur ou pour escroquer le spectateur, difficile de faire pire.

Avec "Les Nouvelles Aventures d’Aladin", c’est encore plus fort, puisque l’arnaque en question se dévoile d’elle-même en raison d’une astuce de scénario qui se révèle être la pire des mauvaises idées. En effet, le film ne raconte pas l’histoire d’un jeune voleur de Bagdad désireux de conquérir le cœur d’une belle princesse et de se venger du méchant vizir qui l’a jeté en prison, mais en réalité celle d’un petit frimeur sans relief qui, déguisé en Père Noël, raconte sa propre version d’Aladin à des marmots dans une grande surface. Et qui dit « raconter une histoire » veut ici dire « débiter n’importe quoi » ! Ainsi donc, de temps en temps, l’histoire s’arrête puis redémarre sans raison, sacrifie les personnages et les situations à la bonne volonté d’un type dont le cursus scolaire a dû se limiter à la maternelle, et surtout, comble du foutage de gueule, intègre les tours scénaristiques les plus artificiels pour justifier la résurrection de quelqu’un ou l’apparition d’une sous-intrigue à la noix. Un exemple : si un enfant qui écoute l’histoire a soudain envie que le sultan ait un distributeur de bonbons dans son harem, eh bien ok, voilà qu’un distributeur de bonbons Haribo apparait dans un palais oriental des Mille et Une Nuits… Oui, on en est à ce niveau-là…

On passera ensuite sur les formalités classiques du genre, à savoir des chansons navrantes que l’on doit à Michaël Youn et au rappeur Black M (on ne sait jamais, ça peut faire vendre du disque si le film se plante au box-office…), des gags qui ne feraient même pas sourire un mioche de six ans biberonné aux Minikeums, l’éternel quiproquo résultant d’un soupçon d’homosexualité chez un ou plusieurs personnages (et ce genre de blagues homophobes, ça commence à bien faire !) et bien sûr les traditionnelles références à la culture geek pour bien caresser son audience dans le sens du poil. À ce propos, outre une partie absurde de Dance Dance Revolution pour éviter un piège sur le chemin menant à la lampe magique (non mais sérieux ?!?), on a envie de quitter la salle en se retapant pour la 1578e fois le coup éculé du « Je suis ton père » à la "Star Wars" !

De leur côté, Kev Adams a troqué sa coiffure « dessous de bras » pour une chevelure soyeuse à la Frédéric Beigbeder, Jean-Paul Rouve nous refait le cardinal Claudia de La Cape et l’Épée, Vanessa Guide a des yeux aussi jolis que ses robes, Michel Blanc s’ennuie ferme et Eric Judor s’est pris – à tort – pour le Génie du dessin animé Disney. À un tel stade de nullité, on aimerait demander au Génie du 7e Art d’exaucer nos trois vœux pour rendre la comédie hexagonale plus inspirée et mieux écrite, mais après tant de carnages à répétition, on se rend bien compte que la lampe n’avait de magique que le nom. Je souhaite donc le bide.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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