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Berlin 2016 - Les 30 ans des Teddy awards

En quelques lignes, voici un rapide aperçu des films découverts dans le cadre des 30e Teddy awards, en partenariat avec le Festival Face à Face de Saint Étienne, de thématique LGBT, qui puise chaque année certains de ses films dans les différentes sections berlinoises.

Évacuons tout de suite les hors sujets ou les approches qu'on pourrait qualifier d'anecdotiques, au sein d'une sélection regroupant au total plus d'une trentaine de films (documentaires et fictions). Dans l'excellent "The bacchus lady", plus que la voisine transexuelle, c'est avant du portrait d'une vieille dame contrainte à se prostituer pour survivre, qu'il est question. Une magnifique histoire de dignité et d'opposition entre désir de vie et droit à une mort douce. Dans le film allemand "Toro", tourné dans un très beau noir et blanc, si l'un des personnages principaux joue les tapins gays, la suspicion d'homosexualité refoulée chez son ami boxeur, tapin pour femme riche, agace très vite, relevant d'un scénario facile digne du fantasme de salle de sport. Enfin, avec le film indépendant Américain "Goat" on se demande bien où se trouve la thématique LGBT. Ce n'est pas parce que des garçons se soumettent aux rituels idiots du bizutage, que des pulsions gays se manifeste. La confusion entre domination et refus de ses propres relève encore ici du pure fantasme de psychologue de bas étage. Navrant.

Heureusement, "I, Olga Hepnarova" nous offre un véritable portrait d'une jeune lesbienne mettant en scène sa vie pour provoquer les autres et combattre un alarmant sentiment d'inadéquation à la société. Un film en noir et blanc, dont la noirceur est pleinement assumée. Autre portrait, bien plus touchant, celui d'un adolescent rêvant d'une vie meilleure et agressé alors qu'il doit se rendre à une audition. "Nunca vas a estar solo", film chilien, récompensé d'un Prix spécial, vaut avant tout pour son ton amer et l'expression de la tendresse d'un père pour son fils, ne connaissant pourtant rien de sa vie secrète. Une histoire cruelle et magnifique mettant le père sous pression alors qu'il tente de faire que son fils soit soigné le mieux possible. Beaucoup moins réussi, "Jonathan" propose une histoire au potentiel certain, mêlant secret de famille, amour gay contrarié, mais plongeant dans ridicule et voyeurisme sur la fin, lorsque l'on nous propose ni plus ni moins qu'une scène d'amour sur lit de mort, filmée comme un moment d'intense érotisme.

Les deux films qui auront le plus marqué ces 30e Teddy awards sont finalement tous deux hexagonaux. Il y a d'abord le nouveau André Téchiné, "Quand on a 17 ans", portrait de deux ados en conflit, contraints à cohabiter et à faire face à la réalité de leurs pulsions. Finement interprété, subtilement écrit, le film bénéficie autant de la présence de Sandrine Kiberlain en mère protectrice mais lucide que d'un élan de jeunesse inattendu. Il y a ensuite le nouveau Ducastel et Martineau, sur lequel tous formaient de réels espoir. Récompensé du Prix du public, "Théo et Hugo dans le même bateau", s'il revêt un caractère réellement pédagogique concernant la prévention du VIH (on y suit les démarches en temps réel de deux hommes ayant baisé sans capote dans un sex-club), n'évite pas de nombreux écueils. Scène de cul à rallonge racoleuse en guise d'introduction, personnages de parisiens fantasmés qui se transforment malheureusement en clichés, acteurs par moments approximatifs dans leur jeu, le film a du mal à atteindre l'universalité et la fantaisie escomptée. Dommage.

À surveiller également dans les mois à venir, le violent "TomCat (Kater)" gagnant du Prix du meilleur long métrage, traitant d'une relation toxique, le documentaire américain "Strike a Pose" sur la troupe de danseurs pratiquement tous gays de Madonna, ayant figuré dans le film "In Bed with Madonna" et pour certains outés contre leur volonté, et enfin le très tendre "Rara", film sur l'homoparentalité vue par les filles d'un couple de femmes, oublié des Teddys, mais récompensé du côté de la section Generation.

 

Palmarès des Teddy awards 2016

Meilleur long métrage: "Kater" ("Tomcat")
Meilleur documentaire: "Kiki"
Meilleur court métrage: "Moms on Fire"
Prix Special du jury: "You'll never be alone" ("Nunca vas a estar solo")
Teddy Award Spécial: Christine Vachon
Prix de lecteurs de "Männer": "Don't call me son"
Prix du public: "Théo et Hugo dans le même bateau"

Olivier Bachelard Envoyer un message au rédacteur