Banniere_11_films_de_separation_Saint_Valentin

INTERVIEW

L'HOMME DE LA CAVE

Philippe Le Guay

réalisateur et scénariste

Philippe Le Guay est venu échanger, dans le jardin où se déroulent toutes les interviews du Festival d’Angoulême, avec nous et la journaliste de radio Judaica Lyon Laurence Salfati, pour une vingtaine de minutes d’interview d’une belle richesse.

Entretien Interview Rencontre Philippe Le Guay réalisateur scénariste du film L'homme de la cave
© Ad Vitam

Le point de départ du film

L’idée du film est née d’un fait divers arrivé à deux amis de Philippe Le Guay, qui ont vendu à un néonazi et ont mis deux ans à s’en débarrasser. Dans le film, il y a trois avocats différents et successifs, ce qui permet d’aborder trois aspects de se défendre face à ce type de personnes. Mais le réalisateur s’est servi seulement de la troisième plaidoirie, cela donne un rythme au film, car sinon toutes ces scènes n’auraient été que des face-à-face dans des bureaux.

Il indique que l’on « ne voit quasiment jamais de personnage négationniste au cinéma », hormis dans un film anglais « où ils en avaient fait un personnage gras et odieux ». Le personnage est ici plus nuancé et donc plus ambigu, mais « il fallait un courage énorme à François Cluzet » pour enfin dire cette phrase qui dévoile le fond de pensée de son personnage.

Un sujet d’actualité à une époque de regain du complotisme

Il est vrai qu’ « à la racine du complotisme, il y a le négationnisme ». Il s’agit en fait de « poser des questions pour polluer la vérité » et « non pas la chercher ». Interrogé sur le caractère manipulateur de son personnage, il répond que celui-ci « est capable de retourner le cerveau » notamment de la fille de la famille. Si celle-ci est capable dans un premier temps de lui répondre et de lui rentrer dedans, il y a tout de même « quelque chose qui se dépose » petit à petit.

Mais le film n’a pas seulement le complotisme ambiant comme lien avec l’actualité. « Il y a aujourd’hui un tas de gens qui s’installent dans une cave » ou dans des entre-sols... souvent des SDF. Au début le personnage de Jérémie Rénier est dans la compassion, mais finalement « son frère lui renvoie que c’est de la naïveté ».

Le choix de François Cluzet pour jouer cet homme trouble

Philippe Le Guay indique qu’il avait déjà travaillé avec lui, notamment sur "Normandie nue". Il connaissait son caractère empathique, sa capacité à être truculent, dans le rôle de ce maire proche de ses administrés. Il s’était bien entendu avec lui et lors d’un déjeuner, François Cluzet est arrivé avec « des cheveux très longs ». Il a pu déceler alors en lui comme « une tension, une âpreté, une violence », se disant ainsi qu’il « saurait défendre ce personnage » qui se positionne en tant que victime.

Des lieux qui séparent

Il lui fallait avoir un point de fuite pour l’histoire familiale, avec cet appartement spolié qui est comme un personnage en soi. La cour, elle, « est censée être un lieu de vivre ensemble », mais devient ici un lieu d’affrontement. Philippe Le Guay souhaitait un lieu sans âge, où l’on pourrait être comme dans les années 40 (il avait forcément le film "Monsieur Klein" en référence).

Il aura tourné dans une vraie cave avec des masques et de la fumée, et « un aspect labyrinthique très photogène ». Mais il fallait tout de même [Attention Spoiler], selon lui, « que le film trouve une délivrance à la fin ». Il voulait donc un dénouement « où les choses soient résolues » et qu’il n’y ait « pas d’illusion sur le faite qu’ils aient gagné ». Mais la fuite du personnage traduit bien la persistance de cet antisémitisme, qui reste tapi dans l’obscurité, à l’image du dernier plan du film.

Olivier Bachelard Envoyer un message au rédacteur

À LIRE ÉGALEMENT