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L'HOMME DE LA CAVE

Un film de Philippe Le Guay

Un film brûlant d’actualité

Simon et Hélène, couple parisien dont le mari architecte a des origines juives, décide de vendre leur cave à un homme mystérieux, ancien prof d’Histoire dont la mère est décédée deux mois auparavant, censé y entreposer ses affaires. Acceptant de recevoir l’argent et lui remettant les clés pour le dépanner avant même la signature de la vente, le mari découvre que celui-ci s’est installé dans la cave, ayant utilisé le café d’en face comme toilettes. Il décide alors de lui prêter provisoirement une chambre d’appoint…

L'homme de la cave film movie

Partant d’un fait divers arrivé à un de ses proches, Philippe Le Guay a eu l’idée de départ de "L’homme de la cave", un film qui, résonnant avec l’actualité, apparaît aujourd'hui comme essentiel sur le (mauvais) air du temps. D'abord parce que le scénario, à travers le passé révisionniste du personnage interprété par François Cluzet (avec lequel le réalisateur avait déjà travaillé sur le très décevant "Normandie Nue"), convoque une logique de comportement alliant manipulation, raccourcis historiques, déductions faciles et victimisation qui résonnent forcément avec les arguments complotistes en tous genres, exacerbés par la crise liée au Covid 19 ou par des dirigeants irresponsables tels que Donald Trump. Ensuite parce que l'antisémitisme latent refait ici sournoisement surface, dans un rapport d'argent et de propriété, donc de supposé contrôle des juifs sur les sphères les plus aisées de la société.

Après "Les femmes du 6e étage" et "Le coût de la vie", Philippe Le Guay s'attaque ainsi à un sujet délicat et rarement traité frontalement, mettant en évidence le comportement manipulateur de cet homme, se positionnant en contradicteur harcelé par un « troupeau » de suiveurs, et trouvant oreille attentive chez certains voisins, voire chez la fille même du couple. Rappelant ainsi que la crise permanente dans laquelle nos politiques nous ont installés depuis 15 ans est un terreau malsain, alliant jeunesse influençable en manque de repères et jalousies liée à des écarts de richesse grandissants. Il aborde aussi, par la succession d'avocats aux stratégies différentes, comme par les tentations de passer de la négociation à l'action, un questionnement fort légitime sur l'attitude que la société doit avoir vis à vis des complotistes comme des négationnistes, la censure de leur parole ne faisant que nourrir les soupçons de véracité de leurs dires.

François Cluzet, coiffure tourmentée à l'image de son personnage, compose avec intelligence un homme mystérieux aux multiples facettes, face à un Jérémie Renier stoïque et réfléchi (tout le contraire de son frère, interprété par un Jonathan Zaccaï impulsif en diable). Quant à la mise en scène de Philippe Le Guay, elle apparaît comme volontairement austère, l'essentiel de l'action tournant autour d'une copropriété vieillissante. Il utilise en tous cas à bon escient l’imagerie que peut charrier la cave elle-même et son long couloir lugubre, les filets de lumière suggérant le mal derrière la porte, la chaudière faisant un parallèle avec les camps, et l'obscurité finale portant une symbolique forte sur la persistance de l'antisémitisme, tapi dans l’ombre quelque part dans les fondations de notre société. La face obscure est donc toujours là.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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