INTERVIEW
CHATOUILLES (LES)
Andréa Bescond
Du théâtre au cinéma
Beaucoup de gens connaissent le spectacle d’Andréa Bescond, mais le passage au cinéma a exigé selon elle de passer de « quelque chose de beaucoup plus intime » à « quelque chose de plus universel ». Elle a dû mettre beaucoup de distance, ceci grâce « à une mise en lumière » aut…
Du théâtre au cinéma
Beaucoup de gens connaissent le spectacle d’Andréa Bescond, mais le passage au cinéma a exigé selon elle de passer de « quelque chose de beaucoup plus intime » à « quelque chose de plus universel ». Elle a dû mettre beaucoup de distance, ceci grâce « à une mise en lumière » autant qu’une « mise en espoir » (pour les victimes). Selon Eric Métayer, une difficulté a été aussi de ne pas décevoir le public de la pièce. Tout le monde s’étant imaginé les lieux, les autres personnages, cela a nécessité beaucoup de préparation.
Mais il a fallu aussi aborder les choses différemment, avec « onorisme » d’abord. Dans le spectacle, il n’y avait rien sur scène, juste une chaise, ici il y avait d’autres acteurs. Du coup « il fallait surprendre le public », par la mise en scène des fantasmes, des souvenirs, des anachronismes… Et puis il y avait la présence de la fillette de 9 ans, un point particulièrement délicat. « Rien qu’avec la première scène, lorsque Pierre prend la main de la petite, l’emmène aux toilettes, on risquait de partir crescendo dans l’horreur ». Il fallait donc garder l’humour.
Andréa et les autres interprètes
Passée de danseuse classique à danseuse de Hip Hop comme elle aurait pénétré dans un refuge, Andréa avoue avoir douté lorsqu’il s’agissait de reprendre son propre rôle. Eric, lui, affirme que la production « ne s’est jamais posé la question », parce que « l’énergie qu’elle dégage est unique ». Et Clovis Cornillac d’ajouter que si autant d’interprètes sont venus sur le film, c’est aussi à cause d’Andréa, et « que le film n’aurait jamais vu le jour si (elle) n’avait pas joué dedans ». Lui qui interprète son père, ne saurait expliquer « comment on joue ». Il déclare que dans ce film, « il n’y a pas de codes » et que « du coup elle reste toujours ma fille, au fond de moi ». On prend forcément des choses de chaque rôle, même si « certains acteurs plus fragiles » peuvent rester quelques temps dans le rôle par la suite.
Eric Métayer précise que l’on était bien « dans un fonctionnement cinématographique » et qu’il n’y avait pas de la part d’Andréa d’exigence « à rentrer dans sa vie ». Ceci même si elle « en parlait quand le besoin s’en faisait sentir » et qu’elle a eu « notamment de gros échanges avec Pierre Deladonchamps. A un journaliste posant la question d’une inversion possible des rôles entre Clovis Cornillac et Pierre, Andréa répond qu’ils voulaient « quelqu’un de physique, ayant une force dans le regard en même temps qu’une douceur » pour jouer le père. L’agresseur, lui, « devait être plus aérien, gracieux, assez solaire », portant son attention sur la fille de son ami… car il n’a eu que des garçons.
Un tournage avec beaucoup de préparation
Le tournage n’a duré que 35 jours, ce qui est relativement court et n’a laissé que peu de place à l’improvisation. Andréa indique d’ailleurs que la scène de la révélation, que beaucoup pensent improvisée, « était en fait totalement écrite ». Eric indique que la scène de pardon de Clovis à sa fille (« où il dit 18 fois pardon ») était improvisée, comme leur scène à Andréa et lui, qui sonnait faux car était initialement trop proche de la pièce.
Préparer la jeune actrice à ce rôle a demandé de la délicatesse et l’instauration d’un climat de confiance. Le sujet a été évoqué avec elle, « elle a vu le spectacle avec ses parents » et a rappelé le lendemain matin, en indiquant vouloir « apporter sa pierre à l’édifice ». Elle a ensuite décortiqué le scénario avec ses parents, ainsi qu’avec un juge des affaires sociales. Karine Viard se sentait tellement mal par rapport à elle, qu’elle « lui amenait des petits cadeaux le matin ».
Une évolution possible
Après l’inceste, il y a souvent la déprime à long terme, plus rien ne peut être positif. Dans son cas, elle avait 26 ans au moment du procès et elle avait porté plainte deux ans auparavant. Cela a été très dur, mais elle avait aussi appris que l’homme en question était aussi grand-père de 2 petites filles. La psychanalyse est venue bien plus tard. Le film retrace donc un « parcours simplifié », qui permet de comprendre. Eric précise aussi que la présence de la psy permet d’alléger le récit, en allant chercher les souvenirs. Et Andréa d’ajouter que ce personnage est aussi une manière d’associer le public, car « elle reçoit l’histoire, comme lui ».
Le film provoque en tous cas de nombreuses réactions. Eric indique que des victimes interprètent parfois les applaudissements à la fin, comme un hommage qui leur est rendu. Il y a aussi des personnes qui se lèvent en disant « je suis une victime ». Clovis Cornillac indique aussi qu’il a croisé des gens du métiers entre sourires et larmes, et que le film permet de « fluidifier un truc », que certains disent « que ça leur est arrivé ». Quant à la manière dont Andréa joue la pièce, « il y a eu un avant et un après le film ». Elle s’inspire d’éléments du film aujourd’hui. Elle avoue revoir des captations de l’époque où elle se trouve « pleine de colère ». Chaque représentation « amène un peu plus d’apaisement ». Et après Tel Aviv en fin d’année, elle donnera encore quelques représentations à Paris en février, avant de laisser la pièce derrière elle… une autre actrice devant la reprendre à partir de juillet à Avignon.
Olivier Bachelard Envoyer un message au rédacteur