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INTERVIEW

SOUVENIRS (LES)

Stéphane Bak

Une première adaptation dans un univers familier

Jean-Paul Rouve avait très envie d’adapter un roman pour son nouveau film, après deux réalisations portées par des scénarios originaux. « J’y pensais déjà sur le tournage de mon deuxième long métrage, j’avais envie de me…

© UGC Distribution

Une première adaptation dans un univers familier

Jean-Paul Rouve avait très envie d’adapter un roman pour son nouveau film, après deux réalisations portées par des scénarios originaux. « J’y pensais déjà sur le tournage de mon deuxième long métrage, j’avais envie de me confronter à cet exercice », se souvient-il. Le réalisateur de "Sans arme, ni haine, ni violence" était en effet très intéressé de voir comment on adapte un livre, comment y on travaille avec l’auteur. « Ma rencontre avec David [Foenkinos, ndlr] est tombée du ciel. Et cette adaptation s’est faite très facilement, très sereinement, parce que David est quelqu’un de très simple ! » Mais comment adapter un livre qui parle d’une grand-mère, de ses souvenirs et sur lequel il pourrait y avoir une grande part d’autobiographie ? « J’avais peur de marcher sur des œufs, mais David s’est très vite mis dans une position de scénariste, sans être gardien du temple », analyse Jean-Paul Rouve parlant même de « ne presque pas respecter le livre, de savoir le trahir, tout en en gardant l’essence. »

Car s’il s’agit d’une adaptation, on est surpris tant les deux univers de Foenkinos et de Rouve sont proches, surtout quand on a vu son deuxième film "Quand je serai petit". Jean-Paul Rouve explique : « Quand David m’a fait lire son livre, je l’ai rappelé pour lui dire comme mon précédent film était proche de son roman. J’avais peur quelque part de refaire le même film tant je revoyais l’histoire de "Quand je serai petit", même dans des scènes, des rapports et des détails ! » Mais Jean-Paul aime cette proximité et propose à David Foenkinos un marché : « J’aimerai monter la comédie pour qu’il y ait un meilleur équilibre entre l’émotion et la comédie. » Banco ! David Foenkinos accepte et les deux compères inventent l’histoire du co-locataire, suppriment les souvenirs des personnages.

Des comiques pour une comédie dramatique

Ce qui frappe dans le casting de ce long métrage c’est que tous les comédiens principaux, et bien entendu son réalisateur, viennent du spectacle et de la comédie. Annie Cordy (chanteuse dejantée), Michel Blanc (inoubliable Jean-Claude Duss au sein du Splendid), Chantal Lauby (Odile Deray dans la "Cité de la Peur" pour Les Nuls) et Jean-Paul Rouve (ex-Robin des bois sur Canal +). « C’est un hasard, déclare le cinéaste. Franchement, j’ai fait mon casting en imaginant une famille cohérente. J’ai tout de suite pensé à Annie, puis à Michel pour le chef de famille. Ensuite, j’ai vu Chantal avec qui je voulais tourner depuis longtemps. Enfin, j’ai fait passer un casting pour trouver celui qui jouerai le rôle de Romain, qu’interprète magnifiquement bien Mathieu [Spinosi]. » Sans s’en rendre compte Jean-Paul Rouve a reformé une famille… d’humoristes !

Mais pourquoi Annie Cordy ? « C’est la question que m’a posé David Foenkinos ! Les gens autour de moi m’ont proposé plein d’autres actrices de talent comme Micheline Presle, Line Renaud. Mais moi j’ai pensé à Annie Cordy tout de suite. Je trouve que c’est une actrice extraordinaire. Elle a quelque chose dans le regard de fascinant », complimente-t-il ! « On connaît Annie, parce qu’elle a plein d’énergie, de gaîté, poursuit Mathieu Spinosi, et Jean-Paul a réussi à tirer d’elle quelque chose qu’on connaît moins. C’est magnifique de percer le masque. Je la trouve formidable ! »

La scène de la classe

L’une des très belles scènes du film est celle où le personnage d’Annie Cordy se retrouve devant les élèves de primaire qui lui posent des questions. « Il n’y a pas eu de répétition, explique Jean-Paul Rouve. On a d’abord contacté l’école d’Etretat, je suis allé voir la maîtresse. Avec elle on a décidé de dire aux enfants qu’il y allait avoir un tournage sur l’histoire d’une dame qui retourne dans son école et qu’on attendait d’eux qu’ils préparent des questions qu’ils pourraient lui poser. Annie n’avait pas connaissance des questions en amont. Elle s’est mise dans la peau de son personnage pour y répondre. On a aussi envoyé à la classe une photo d’Annie qu’on a fait faire et on leur a demandé de dessiner Annie dans le monde qu’ils voyaient pour elle. C’est tous les dessins qu’on voit qu’elle tient ensuite. »

De vrais décors pour refléter la vraie vie

Le choix des décors a été important. Jean-Paul Rouve a mis un point d’honneur à tourner dans de vrais endroits. « Je ne voulais pas de décors, ça fait faux ! A Etretat notamment c’est la vraie école, les vrais élèves […], on a tourné également dans un véritable hôpital et dans de véritables urgences. » Le choix de positionner la caméra éloignée de son sujet lui a permis de capter des moments de vie. « Ce qui m’intéresse dans ces histoires où on parle beaucoup de choses personnelles, de l’intime, c’est de mettre la caméra en retrait par pudeur comme un ami qui vous accompagne à l’hôpital mais qui reste à la porte d’une chambre. » Même pour les comédiens c’est mieux : « Ils jouaient au milieu des gens, ils parlaient normalement » Ce à quoi rajoute Mathieu Spinosi « Comme à la fin quand je suis au téléphone avec ma mère dans un couloir d’hôpital. Je me prends un chariot que je n’avais pas vu arriver ! C’est vraiment la vie ! »

Alors, être dirigé par Jean-Paul Rouve, c’est comment ?

Le jeune Mathieu Spinosi, pas encore 25 ans, qu’on a déjà pu voir dans "Neuilly sa mère" ou "Les Yeux jaunes des crocodiles", revient sur la direction d’acteur de Jean-Paul Rouve. « C’est hyper agréable pour moi, parce que c’est un comédien comme moi Jean-Paul, qui sait se mettre à notre place, déceler les peurs et comme en musique, je dis qu’il a l’oreille absolue : il entend très finement quand c’est faux. Il est exigeant, il veut la vie, refuse qu’on triche, mais en même temps c’était rapide comme travail, il ne voulait pas perdre une miette de vie. J’ai adoré travailler comme ça. »

Mathieu Payan Envoyer un message au rédacteur

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