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INTERVIEW

EDY

C’est la première fois que Stephan Guérin-Tillié fait une tournée de promotion pour son propre film. Accompagné du producteur Frédéric Bourboulon, le comédien, ici réalisateur, arrive avec les traits tirés. On imagine le manque de sommeil, et surtout l’angoisse pour ce premier long-mé…

© Mars Distribution

C’est la première fois que Stephan Guérin-Tillié fait une tournée de promotion pour son propre film. Accompagné du producteur Frédéric Bourboulon, le comédien, ici réalisateur, arrive avec les traits tirés. On imagine le manque de sommeil, et surtout l’angoisse pour ce premier long-métrage, son premier petit bébé. Ses yeux brillent quand il en parle et l’aura du charmeur agit rapidement.

Journaliste : Edy est indiscutablement un film de genre ; peut-on parler d’un changement dans le cinéma français ?

Stephan Guérin-Tillié : Je n’ai fait qu’un film, je ne peux pas parler au nom de tous les cinéastes français actuels. Mon film n’est pas un projet atypique. C’est un film de genre parce l’histoire s’y prête. Je nourrissais un grand intérêt pour le film noir. J’avais été marqué par les films de Melville, des frères Cohen, de Kubrick… Je n’oublie pas mes références.

Journaliste : Et Tarantino ?

Stephan Guérin-Tillié : Pas tellement, en réalité. Lui, il s’amuse, il joue avec la dérision.

Journaliste : Justement, on sent un grand respect pour le genre, aucun cynisme…

Stephan Guérin-Tillié : Oui, absolument, je cherchais l’adhésion au code du film noir. Je ne voulais pas le détourner. C’est une envie par rapport aux images, par rapport au traitement. L’esthétisme très travaillé s’oppose au désordre intérieur du personnage. C’est une manière d’aborder le genre par l’esthétisme.

Journaliste : La musique a une place très importante dans le film. Etait-elle déjà présente à l’écriture du scénario ?

Stephan Guérin-Tillié : Oui, oui. En écrivant le scénario, j’écoutais beaucoup de musique, des morceaux de genres différents. J’ai vite senti que le jazz était le plus « adapté » à mon histoire. Il y a des clins d’œil à Miles Davis, à Ascenseur pour l’échafaud de Louis Malle. Frédéric Bourboulon m’a laissé très libre pour le choix des morceaux qu’a composés Nils Peter Molvaer. Il a utilisé beaucoup d’instruments électroniques. Je considère que le musicien est un collaborateur du film, au même titre que les techniciens ou les acteurs.

Journaliste : A quel moment François Berléand est-il arrivé sur le projet ?

Stephan Guérin-Tillié : En réalité, j’ai écrit le film en pensant à lui pour interpréter Edy. Je ne sais pas si je serai allé au bout du projet sans lui… Pendant plusieurs semaines, on a joué dans des théâtres d’une même rue. On mangeait ensemble tous les soirs, et j’ai vite compris qu’il devait interpréter ce rôle. Quand je lui ai donné le scénario, un vendredi soir, il m’a prévenu qu’il ne pourrait pas le lire, parce que le week-end s’annonçait riche en évènements sportifs [François Berléand est un spectateur de foot assidu]. Pourtant, il l’a lu tout de suite et m’a rappelé trois heures plus tard en me disant : « C’est bon, je le fais !».

Journaliste : Avez-vous écrit le personnage de Louis pour Philippe Noiret ?

Stephan Guérin-Tillié : Non, pas du tout. L’acteur qui devait interpréter Louis s’est désisté un mois avant le début du tournage. On a donc proposé le rôle à Philippe. Il s’est avéré qu’il était parfait pour le rôle ; je n’ai pas eu besoin de retoucher quoi que ce soit dans le scénario. Ils ont vraiment une relation paternelle, de maître à élève. Ça a été une rencontre merveilleuse ; c’est une tête d’affiche dont rêvent beaucoup de réalisateurs pour leur premier film ! C’était un peu comme conduire une belle voiture… Une vraie rencontre artistique, mais aussi humaine, comme on en voit rarement dans le cinéma…

Journaliste : Les dialogues sont très travaillés, à l’image de ceux des cinéastes qui vous ont inspiré…

Stephan Guérin-Tillié : Tout à fait, je suis un adepte de Prévert, d’Audiard… Je ne suis pas un scénariste, je suis un acteur qui a réalisé un film. J’ai écrit des dialogues que j’avais envie d’entendre dans un film.

Frédéric Bourboulon : Des scénarios comme ça, on en lit un tous les dix ans. Je me suis dit : Enfin un réalisateur qui laisse le temps aux personnages de s’exprimer ! Stephan se démarque des films actuels par le montage : dans ce film il y a très peu de plans, de coupure. Le split-screen [coupure de l’écran en deux ou plusieurs parties] du dialogue entre Louis et Edy est une merveille. Au début je n’étais pas très chaud, mais quand j’ai vu le résultat, j’étais convaincu. Ça laisse la place requise pour le jeu de l’acteur.

Journaliste : Les seconds rôles sont également très soignés, comme le personnage du flic…

Stephan Guérin-Tillié : Oui, le flic est un vecteur de comique mais il n’est pas grotesque. Yves Verhoeven est un acteur à part. Il a une sorte de folie. On se demande toujours du personnage s’il est un peu idiot ou s’il en sait plus qu’il ne veut bien le dire. Tous les acteurs des seconds rôles [Marion Cotillard, Yves Verhoeven, Cyrille Thouvenin…] sont des gens que j’admire. On a des rapports amicaux dès le départ. Cyrille a toujours des rôles de timides. Il était ravi de pouvoir jouer un rôle plus extrême, plus violent, même s’il n’était pas très sûr de lui au départ.

Anthony REVOIR Envoyer un message au rédacteur

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