WILLY 1ER

Sauve-toi Willy !

Lorsque son frère jumeau se suicide, Willy ne comprend pas et ne parvient pas à faire son deuil. Mais d’une certaine façon, c’est un déclic : il est temps pour lui de quitter la maison de ses parents et de se construire une vie indépendante…

C’est un objet assez particulier que ce "Willy 1er". On connaît les films collectifs où chaque cinéaste prend en charge un segment différent, on connaît également les duos de réalisateurs (fratrie ou pas), voire les collaborations à trois comme "Cloud Atlas". Mais là, c’est une création à quatre têtes (dont deux frères jumeaux) pour un long métrage qui parvient à la fois à être homogène tout en proposant une variabilité dans la tonalité et le style.

L’autre particularité de ce film, et non des moindres, c’est que son scénario s’inspire (très librement) du parcours personnel de son acteur principal, Daniel Vannet, que le quatuor a découvert par hasard en regardant un reportage sur l’illettrisme. L’émancipation du personnage est donc à aborder avec cette double lecture et l’authenticité de jeu de cet interprète non professionnel est l’une des principales forces du film.

Les quatre têtes de la réalisation sont des diplômés de l’École de la Cité, l’école de cinéma créée par Luc Besson en 2012, et ce film est le premier long métrage réalisés par des étudiants de cette école (âgés de 24 à 29 ans). Luc Besson ayant plutôt tendance à impulser des films d’action ou à grand spectacle (du moins c’est ce que l’on retient généralement de ses productions, bien qu’il ait aussi produit d’autres genres de films comme "Trois enterrements" ou "Quand j'étais chanteur"), on est presque surpris par la forme de ce film, même s’il n’y a évidemment aucune raison objective pour qu’il y ait une influence de Besson puisqu’il n’en est pas le producteur ! Au début, on se dit qu’on est tombé chez les gars de Groland, mais c’est plus du côté d’Aki Kaurismäki que "Willy 1er" se situe (ce qui n’est donc pas totalement éloigné de Groland, connaissant l’admiration de Benoît Delépine et Gustave Kervern pour le cinéaste finlandais, qu’ils ont fait tourné dans "Aaltra").

Le quatuor (dont on ne sait pas qui est responsable de quoi) parvient à insuffler du burlesque minimaliste, de la poésie et de l’humour décalé et/ou noir (dont une habile réutilisation de l’esthétique kitsch des diaporamas PowerPoint ou encore une façon de détourner les codes du film d’action) dans un univers de drame social qui parle de misère à toutes les sauces (misère économique, affective, intellectuelle, culturelle, urbanistique…). Le fond est dur, le film insistant sur la solitude et la tristesse de Willy, qui se montre parfois capable d’une certaine bestialité incontrôlée quand il fait face à un trop-plein de frustration et à sa volonté désespérée de s’intégrer. Mais "Willy 1er" fait aussi preuve de tendresse et d’espoir. D’humanisme, tout simplement. Et c’est touchant.

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

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