TOUT L’ARGENT DU MONDE
Money, money, money
En 1973, à Rome, le petit-fils de J.Paul Getty – mania du pétrole et considéré comme l’homme le plus riche du monde – est enlevé par la mafia Calabraise. Contacté par la mère de celui-ci, l’homme d’affaire refuse de verser un centime…
Les accusations d’agression sexuelles à l’encontre de Kevin Spacey (l’une des nombreuses répercussions de l’affaire Weinstein) ont impacté le dernier long-métrage de Ridley Scott qui en a été une victime artistique collatérale. Pour des raisons morale et commerciale, Spacey fut effacé au montage et remplacé dans le rôle de Getty par Christopher Plummer qui dû retourner les scènes où apparaissait l’acteur de "Usual supects" et de la série "House of cards". Lorsque l’on sort de la salle, on ne peut que se demander ce que le film aurait donné avec Kevin Spacey. Une fois cela posé, que vaut le second film de Ridley Scott de l’année, après un "Alien Covenant" assez décevant ?
Partant de l’histoire du kidnapping du petit-fils de J.Paul Getty (le long-métrage ne nous offre pas seulement le pendant de ce fait divers, mais aussi l’avant et l’après), Scott en profite pour pousser une réflexion sur l’argent, la famille et sur leur valeur respective. Car il est ici question de coût, de valeur (au sens économique du terme) que peut avoir un membre sa famille. Son petit-fils devient une marchandise comme une autre ayant un prix. Et J.Paul Getty va agir avec lui de la même manière que dans l’histoire de la statuette du minotaure qu’il raconte au début du film à son petit-fils : il va négocier jusqu’à obtenir le prix que lui juge juste de payer. Sa pensée est simple, s’il décide de payer pour l’un de ses petits-fils la rançon demandée sans aucune négociation, cela pourrait inciter d’autres ravisseurs à tenter leur chance (car il a tout l’argent du monde – et de nombreux petits-fils). De fait, son personnage devient plus problématique que les ravisseurs eux-mêmes. Ainsi, pour la mère de Paul, négocier avec son beau-père relève d’un combat beaucoup plus féroce que la négociation avec les ravisseurs , car allant jusqu’à remettre en question sa place de mère - car n’ayant pas le sang des Getty qui coule dans ses veines.
Le jeune Paul devient au final, l’otage de la cupidité de son grand-père. Car l’argent est la seule raison de vivre de celui-ci, n’en ayant jamais assez et souhaitant en perdre le moins possible (il est rivé en permanence sur les télégrammes annonçant le cours de la bourse) tout en évitant de payer des impôts. Il est une sorte de monarque dirigeant comme tel son empire financier et sa famille et il est souvent filmé dans son immense bureau ou dans son château pour attester de son pouvoir.
Côté interprétation, Mark Wahlberg en ex-agent de la CIA reste sobre, peut-être trop. Romain Duris en mafiosi n’est pas vraiment à son aise. Michelle Williams en mère seule face à son ex-beau-père et aux ravisseurs de son fils s’avère convaincante. Mais celui qui capte la lumière c’est Christopher Plummer (J.Paul Getty), car force est de constater que sa partition est assez impressionnante quand on sait le timing qui a été le sien pour jouer ses scènes.
"Tout l’argent du monde" n’est donc pas le meilleur Ridley Scott, mais reste un bon divertissement flirtant parfois avec le très bon (les passages avec Getty), tombant plusieurs fois dans le moyen (les passages avec les ravisseurs) et s’appuyant sur une interprétation convaincante dans l’ensemble. Au final on reste plus captivé par le personnage de J.Paul Getty que par les péripéties du kidnapping.
Kevin GueydanEnvoyer un message au rédacteur