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TOI NON PLUS TU N'AS RIEN VU

Un film de Beatrice Pollet

A force de poser les bonnes questions

Un soir, Claire est retrouvée par son mari, près de la machine à laver, évanouie, les jambes pleines de sang. Mère de deux filles, elle est accusée d’avoir voulu tuer son bébé, dont elle venait juste d’accoucher, en le déposant sur une benne à ordures, enveloppé dans un sac poubelle. Sophie, une de ses amies, qui est également avocate, accepte de défendre son cas, alors qu’elle a déjà traité des dénis de grossesse…

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Peut-on faire changer les choses en posant les bonnes questions ? Car comme le dit le personnage de Sophie, dans les dernières minutes, non seulement le déni de grossesse est aussi un « déni de l’entourage », qui n’a rien vu ou voulu voir, mais « accepter le déni de grossesse » ou tout au moins la possibilité de ne pas se rendre compte, ainsi que l’état de sidération qui peut en découler, c’est « accepter de ne pas tout maîtriser ». Or la société d’aujourd’hui n’accepte plus cela. "Toi non plus, tu n'as rien vu", sans être un grand film, a au moins le mérite de poser les bonnes questions, et de ne pas apporter de réponse toute faite, ou de ne pas trancher.

Au travers du cas de Claire, interprétée avec retenue par Maud Wyler, c’est une affaire sordide que l’on suit, qui interroge autant tout l’entourage du personnage que le spectateur. Débutant sur une scène heureuse, une quinzaine de jours avant l’événement, où les deux amies et leurs enfants jouent dans une petite piscine couverte (l’utilité de celle-ci n’apparaîtra que très tard dans le film), le choix d’une ellipse nous projetant directement au dénouement du drame (la découverte du corps de Claire), est finalement assez judicieux, de manière à nous placer dans le même état d’inconnu que la protagoniste, son avocate, sa mère ou son mari. L’enquête est alors aussi vécue comme en partie « à charge », de la part d’institutions, qui ne cherchent pas à comprendre, juste à confirmer qu’il s’agit là d’un cas usuel d’abandon.

Géraldine Nakache incarne l’avocate avec conviction, cherchant une porte de sortie pour celle qui est aussi son amie. Et l’incompréhension et le poids du doute s’immiscent à chaque instant, encerclant le personnage de Claire, dans l’une des pistes de défense évoquée par Claire, dans un coup de fil de la mère, voire dans une lettre du mari. Si l’on a un peu de mal à prendre telle quelle la complicité développée avec la codétenue, le scénario nous perd également un peu lorsqu’est évoqué un « fantôme familial ». Mais la détresse de l’accusée est bien palpable, au fur et à mesure que le puzzle se reconstitue, la bousculant finalement tout autant que les autres. Loin d’être un film de procès classique, contrairement à ce que suggère sa peu engageante affiche, "Toi non plus, tu n'as rien vu" use d’ellipses à bon escient, afin de conserver sa part de mystère à une affaire en partie impossible à expliquer.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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