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SICARIO: LA GUERRE DES CARTELS

Un film de Stefano Sollima

La suite qui ne s’imposait pas… mais qui en impose quand même un peu

Pour contrer les actions criminelles et meurtrières des cartels mexicains à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, l’agent fédéral Matt Graver propose l’option suivante : enlever la fille du baron d’un premier cartel en faisant croire qu’il s’agit d’une action menée par le cartel ennemi, favorisant ainsi le début d’une guerre fratricide entre les deux gangs. De nouveau épaulé dans sa tâche par le mystérieux Alejandro, Matt sent vite que sa mission va dégénérer au plus haut point…

Annoncer la mise en chantier d’une suite au somptueux thriller tex-mex de Denis Villeneuve, c’était un peu comme constater qu’à chaque succès-surprise au box-office, la capitalisation se concrétise sur le champ par la sortie de séquelles inutiles et vaines, exclusivement destinées au marché DVD. Sauf que cette suite de "Sicario" était d’entrée vouée à sortir en salles, qu’elle réintègre dans ses filets le scénariste du premier film (Taylor Sheridan) et ses deux acteurs principaux (Josh Brolin et Benicio Del Toro), et qu’elle se retrouve mise en scène par le brillant Stefano Sollima – dont l’éblouissant "Suburra" nous laisse encore aujourd’hui sans voix à chaque nouvelle vision. Un cinéaste dont la faculté à autopsier et confondre la violence des forces mafieuses et policières n’est plus à démontrer, ce qui en faisait donc l’homme de la situation. Or, si l’immersion et la patte chaotique propre à la mise en scène de Sollima font ici de sacrés dégâts collatéraux, elle ne réussit jamais à égaler ni la dimension stratégique et symbolique du film de Villeneuve, ni sa propension à développer peu à peu une tension des plus suffocantes. La faute à un scénario ici trop orienté « série B » ? Peut-être bien…

On n’ira pas jusqu’à dire que le résultat tutoie la structure bourrine et bassement manichéenne d’un film de Chuck Norris, tant la complexité des enjeux et la nature fluctuante des caractères laissent filtrer une certaine ambiguïté tout au long du récit. Sollima va même jusqu’à injecter des non-dits à diverses reprises, faisant ainsi croître le doute sur le particulier pour mieux rendre le global aussi poreux que possible. Il n’en reste pas moins que l’intrigue se révèle très limitée, invitant son spectateur à rester un peu pépère dans ses charentaises face à une opération de manipulation des cartels un peu cousue de fil blanc, où tout se devine trop vite, où la corruption semble moins viscéralement prégnante parce qu’elle est visible et non ressentie, où tout semble couler sur une ligne narrative dénuée d’aftershocks. Sans doute que Sollima et Sheridan n’ont pas su élever leur intrigue au niveau de ce que le film de Villeneuve, sous sa fausse allure de resucée de narco-polar, avait su dévoiler de tordu et de perforant sur une situation de guerre à la lisière du réseau arachnéen. Trop classique pour ne pas se contenter de filmer une guerre où deux camps se confondent autant qu’ils sont identifiés sans peine, ce deuxième film fait donc figure de prolongation efficace et maîtrisée juste ce qu’il faut, en tout cas suffisamment pour nous ôter l’idée qu’une suite à "Sicario" n’avait aucun intérêt.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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