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RESTER VERTICAL

Un film de Alain Guiraudie

Plier pour ne pas rompre !

Léo erre en voiture sur une petite route de campagne. Près d’une maison, il aborde un jeune homme pour lui proposer de faire un casting, or celui-ci refuse. Plus tard, alors qu’il se balade dans le causse, il fait la connaissance de Marie, une bergère qui reproche le malaise paysan à la présence du loup. Elle et lui s’observent, s’attirent et finissent rapidement par se mettre ensemble…

Archétype même du personnage Guiraudien, Léo débarque de nulle part, sans attaches ni passé. Nomade, il parcourt les petites routes de Lozère dans sa vieille Laguna immatriculée dans le Rhône, arpente à pied le causse et se rend souvent Brest sans raison apparente. La seule chose que l’on sait de lui est son métier. Léo est un scénariste visiblement reconnu mais en cruel manque d’inspiration. Cette petite déconvenue ne le préoccupe guère, l’homme est optimiste et vit sa vie comme elle vient sans se soucier du lendemain.

Sans être exagérément complaisant, Léo a bon fond. Il ne pense jamais à mal et donne de sa personne dès qu’on lui demande. Amant de qui a besoin, il reste vertical en ne rechignant pas à s’offrir à l’horizontal. Une vision plutôt rugueuse de la dignité propre au style Guiraudie qui révèle toujours l’humain tributaire des jouissances élémentaires de la vie. Véritable accouchement, scènes de sexe brutes, le réalisateur filme au plus près les humains tel un documentariste animalier souhaitant capter l’essentiel.

Or c’est bien connu, l’homme est un loup pour l’homme et Léo, qui est naturellement bon, doit sans cesse se battre pour ne pas se laisser dévorer par l’égoïsme d’autrui. Chaque fois qu’il « rend service », celui-ci est laissé pour compte au profit de son contraire incarné par Yoan, l’homme qui lui dit non dans la première scène du film. Véritable chef de meute, ce dernier rallie derrière lui toutes les brebis égarées que Léo a tenté de sauver par sa bienveillance.

Fable humaniste, "Rester vertical" offre un regard cru autant que poétique sur le don de soi. Instinctif et un poil confus, le film ne laisse aucun répit à son héros, l’acculant jusqu’à son intime havre de paix (l’arbre où il se réfugie afin de se régénérer dans ses racines), pour ensuite le consacrer berger, protecteur de la véritable innocence : celle de l’agneau qui vient de naître. Du Guiraudie pur jus, mais un tantinet acide en comparaison du subtil cocktail, amer et sanguin qu’était "L’inconnu du Lac", le dernier chef-d’œuvre en date de ce cinéaste au charme viscéral et singulier.

Gaëlle BouchéEnvoyer un message au rédacteur

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