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PENSION COMPLÈTE

Cuisine au beurre rance

Situé au bord de la mer, le restaurant gastronomique de François et Charlotte marche très bien, contrairement à leur relation de couple : obsédé par l’idée d’obtenir sa première étoile au Guide Michelin, François tend à délaisser sa femme, qui rêve d’un enfant. Le jour où Alex, le premier mari de Charlotte, débarque dans leur vie alors qu’on le croyait mort sera celui qui fera déborder l’eau de la marmite…

Pourquoi diable un remake de "La cuisine au beurre" de Gilles Grangier avec le tandem orageux de "Camping" en tête d’affiche et le réalisateur surdoué de "Nid de guêpes" aux commandes ? C’est bien LA question qu’on se pose toutes les dix minutes en regardant le film. De toute façon, au vu d’une sortie salles expédiée vite fait mal fait entre les fêtes de fin d’année, sans promotion ni interviews, l’imminence d’un désastre nous chatouillait déjà le pif. Rebelote, donc, sur l’éternel fast-food comique pour tube cathodique, mis en décongélation sans le moindre point de vue de mise en scène, cuisiné au beurre rance avec des enjeux périmés depuis des années (encore l’éternel tandem qui se déchire pour une femme avant d’entamer une belle amitié), et vite réchauffé aux micro-ondes pour figurer sur le prochain menu prime-time de TF1.

Que les habitués de la « comédie française » ne s’attendent donc à rien de spécial, si ce n’est à retrouver la même mécanique narrative de nivellement par le bas, les mêmes effets comiques gérés comme dans une sitcom bâclée, la même mise en scène qui abuse de champs/contrechamps au détriment de toute scénographie, et surtout le même rythme sous Red Bull qui vise à aboutir à une durée n’excédant pas 1h30 (pour que le public ne s’endorme pas ou pour que ça n’empiète pas sur les autres programmes lors de sa diffusion télé… peu importe, on s’en fout). De la part de Florent-Emilio Siri, probablement l’un de nos cinéastes les plus surdoués, virtuose en matière de mise en scène et déjà créateur d’une filmographie quasi parfaite ("Cloclo", "Otage", "Nid de guêpes" et "L’ennemi intime"), on est en revanche en droit de s’interroger, le bonhomme s’effaçant derrière les carcans télévisuels comme s’il ne voulait (pouvait ?) pas imposer son point de vue et sa virtuosité tant admirée.

Mais voilà, la note la plus basse est évitée de justesse par la présence d’un mini-atout assez inattendu, qui provient du casting. A contrario d’un Gérard Lanvin de plus en plus régulier – et donc mauvais – dans son jeu bourru à la Lino Ventura et d’un tandem d’actrices pourtant talentueuses qui jouent plus les utilités qu’autre chose, c’est bel et bien Franck Dubosc qui sauve le film du naufrage intégral. Celui qui irritait souvent par son ton sentencieux et ses blagues de beauf dans tant de navets franchouillards ("Camping" en tête) semble avoir retenu la leçon, faisant ici preuve d’un premier degré bienvenu qui le rend crédible dans les scènes comiques (toujours jouer le rire de façon sérieuse : c’est LA règle !) et toujours d’une grande justesse dans des scènes plus intimistes. Pas de quoi crier au génie pour autant, et certainement pas une raison suffisante pour recommander de voir le film, mais assez de quoi sentir chez lui un potentiel d’acteur que peu de cinéastes avaient su exploiter jusque-là.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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