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ON A GRANDI ENSEMBLE

Un film de Adnane Tragha

Un autre chant du cygne pour Gagarine

La Cité Gagarine est un célèbre grand ensemble, construit à Ivry-sur-Seine au début des années 1960 et détruit en 2020. Adnane Tragha, qui a vécu son enfance en face de ces immeubles immenses, rend un dernier hommage à ce lieu où des milliers de personnes ont vécu…

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L’auteur de ces lignes se souvient d’avoir assisté en 2000 au dynamitage de la « Muraille de Chine », grand ensemble emblématique de Saint-Étienne, et d’avoir ressenti une certaine émotion, sans pourtant y avoir vécu et malgré toutes les raisons qui avaient légitimement conduit à cette destruction (insalubrité, paupérisation, trafics…). La disparition de la Cité Gagarine en 2020 est du même ordre : bien que cette fin soit logique au regard des nombreux obstacles et désagréments, elle engloutit aussi le passé de milliers de gens qui ont habité en son sein durant six décennies. "On a grandi ensemble" (dont le titre joue habilement avec l’expression « grand ensemble ») est donc guidé par une démarche juste, entre mémoire et écoute.

La sortie de ce documentaire est quelque peu périlleuse car elle intervient un an après la distribution de la fiction "Gagarine", magnifique premier long métrage réalisé par Fanny Liatard et Jérémy Trouilh (après un court métrage du même nom en 2016), qui avait déjà eu la volonté de rendre hommage à ce bâtiment et ses habitants dans un style humaniste et poétique (à voir d’urgence si ce n’est déjà fait !). On retrouve d’ailleurs l’utilisation d’une même archive au début des deux films : la venue de Youri Gagarine lui-même lors de l’inauguration de la cité en 1963.

Projet plus modeste, ce documentaire n’en est pas moins intéressant et Adnane Tragha fait ainsi revivre une dernière fois ce vaste ensemble en mêlant de concert deux approches : d’une part donner la parole à d’anciens habitants (parmi lesquels figure Loïc Jumet alias « Le K.Fear », rappeur membre du groupe La Brigade, qui signe par ailleurs la chanson du générique de fin), d’autre part filmer les lieux avant la destruction en donnant une dimension artistique à l’inéluctable déchéance (fanfare, installations contemporaines…). Si les témoignages n’éludent pas les aspects négatifs de la Cité Gagarine (« Gag » pour les intimes), ces souvenirs polymorphes et subjectifs mettent souvent à l’honneur une certaine idée du vivre ensemble, parce que la nostalgie a souvent tendance à favoriser les regards hagiographiques. "On a grandi ensemble" n’en est pas pour autant un film naïf, il a juste le mérite de remettre de l’humain dans un territoire souvent méprisé.

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

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