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NOTRE PETITE SOEUR

Un film de Hirokazu Kore-eda

Un portrait de famille en demi-teinte

Sachi, Yoshino et Chika étaient encore très jeunes quand leur père a disparu pour vivre avec sa maîtresse. Leur mère, humiliée, quittera elle aussi le foyer familial pour refaire sa vie, laissant les trois filles seules dans leur grande maison de Kamakura, une petite ville balnéaire au sud de Tokyo. Quelques années plus tard, celles-ci apprennent que leur père vient de mourir. Lors des funérailles, elles rencontrent Suzu leur demi-sur, fille de la maîtresse de leur père, décédée elle aussi. Elles lui proposent alors de venir vivre avec elles dans leur grande maison…

Intimiste et sensible, le cinéma de Kore-eda se nourrit essentiellement d’histoires de familles meurtries par la séparation, à la nuance près, qu’il s’attache avant tout aux conséquences du traumatisme, plus qu’au traumatisme lui-même. Que ce soit le deuil dans "Still Walking", le divorce dans "I wish" ou bien encore la filiation usurpée dans "Tel père, tel fils", toutes ces déchirures ne sont que des préambules à la reconstruction de ses personnages. C’est de nouveau le cas pour son dernier film "Notre petite sœur" qui réunit sous un même toit quatre sœurs livrées à elles-mêmes, suites aux erreurs de leurs parents.

Face à ce passé douloureux, chacune des filles n’est pas logée à la même enseigne. Sachi, l’aînée, était assez grande pour assister au déchirement de ses parents. Lorsque ces derniers l’abandonnent seule avec ses sœurs, elle assume avec rigueur et dévotion le rôle de mère de substitution qui lui ait imposé. Yoshino et Chika, elles, n’ont que peu de souvenir de cette période trouble et font des projets comme toutes les jeunes filles de leur âge. Suzu, quant à elle, vit une situation bien difficile. À 10 ans, elle a déjà enterré père et mère et culpabilise d’être le fruit d’une liaison qui a brisé une famille. Discrète et polie, il lui faudra du temps pour libérer toute la peine accumulée durant son enfance.

Fidèle au manga Kamakura Diary (dont le film est adapté), Kore-eda détaille chacune de ses héroïnes au travers de leurs histoires d’amour avec des garçons tous très différents et qui sont le reflet de leur personnalité. Néanmoins, pour recentrer le récit sur la fratrie, le cinéaste crée un personnage fédérateur : Ninomiya, la propriétaire d’un petit restaurant qui sert un délicieux poisson chat. Chez elle, les filles trouvent régulièrement le réconfort d’une famille qui fait défaut. Malheureusement, ce personnage ne réussira pas à insuffler toute l’émotion que peu engendrer un tel sujet.

En effet, comme dans l’œuvre originale, on reste un peu sur sa faim question sentiments. À trop vouloir se disperser dans des histoires secondaires sans grand intérêt, le film s’éloigne de l’essentiel : la reconstruction d’une famille disloquée. Les personnages de Sachi et Suzu, pourtant si riches en ressentiments, sont noyés dans un récit presque trop complaisant. Rares sont les scènes qui dévoilent leurs joies et peines. Reste au final un joli film, attachant, où on s’attend à tout instant à être submergé par les larmes… en vain. Une sensation bien frustrante quand on connaît toute la sensibilité du cinéma de Kore-eda, qui arrive à sublimer avec une pudeur toute japonaise, la puissance des non-dits familiaux.

Gaëlle BouchéEnvoyer un message au rédacteur

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