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LE NOM DES GENS

Un film de Michel Leclerc

D'inutiles étiquettes

Bahia Benmahmoud est une jeune femme extravertie qui se fait une règle de coucher dès le premier soir. Arthur Martin (comme les cuisines), lui, est spécialiste en épisothies. Tous deux vont se rencontrer, sans forcément avoir envie de faire connaissance...

Présenté à la Semaine de la critique de Cannes 2010, « Le nom des gens » est un drôle de film, dont la construction éclatée surprend, autant que ses personnages hors du commun. Son héroïne, dans la vingtaine, estime que tous les gens de droite sont des fachos, et que coucher avec eux est la seule solution pour les faire revenir sur le droit chemin. Seule en France à porter un nom dont l'origine algérienne ne fait aucun doute, elle va faire la rencontre d'un certain Arthur Martin (eux sont quelques 12 000 en France), quarantenaire spécialisé dans les épisothies animales.

Dans une première partie, le réalisateur choisit de leur faire raconter face caméra, les origines de leur famille, représentant pour lui un passé noir et blanc, et pour elle un passé vidéo, à l'image des vieux films de vacances d'antan. Bourré de détails truculents, le récit de ces passés peu glorieux, aux origines juives d'un coté, arabes de l'autre, permet de s'attacher aisément à ce futur et improbable couple. Il y a ici dans les détails quelque chose de convaincant. Puis, les interactions entre les personnages prennent le dessus, laissant cependant place à une certaine fantaisie dans le manière d'évoquer les réflexions intimes de chacun. Lui, par exemple, discute régulièrement avec une apparition de lui-même, en plus jeune.

Pour incarner ce duo d'enfer, le réalisateur a fait appel à Jacques Gamblin, incrédule face à une Sarah Forestier débordante d'une vitalité excentrique et provocatrice en diable. Leurs petits tics familiaux sont mis à mal (d'un coté la passion pour les nouvelles technologies qui plantent, de l'autre le recueil de sdf en tous genres...) pour mieux permettre au spectateur de se concentrer sur leurs blessures réellement importantes.

Il semble y avoir beaucoup d'anecdotes récupérées ça et là dans « Le nom des gens », comme des captures de moments ou d'échanges, concernant l'identité et les origines, obsession humaine souvent inutile, qui en fait l'une des premières questions lors de toute nouvelle rencontre. Mais le réalisateur, qui avoue faire de la comédie, car « c'est la seule manière élégante de parler de son nombril sans tomber dedans », assume parfaitement son point de vue, qui tient en de simples citations, comme "les origines ont s'en fout" ou « les batards c'est l'avenir de l'humanité », et n'hésite pas au passage à taper sur les lois récentes sur l'immigration.

On est alors à peine étonné de découvrir les difficultés de montage financier que le film a pu rencontrer. Il faut dire que Michel Leclerc, dont c'est le seconde long métrage, après « J'invente rien », n'y va pas avec le dos de la cuillère au niveau allusions politiques. Ici on « vote Sarkozy par erreur » et l'adoration pour les losers fait qu'on idolâtre un certain Jospin. Entre rire et émotion, le cœur du spectateur oscille. Et le scénario distille intelligemment son message sur l'identité, notamment lors d'une terrible scène où la mère de Gamblin doit refaire faire ses papiers. Un film à découvrir, qui lui aussi, fait la part belle aux douloureux secrets de famille et à la difficulté de communiquer entre générations.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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