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MICROBE ET GASOIL

Un film de Michel Gondry

La parenthèse enchantée de Michel Gondry

Microbe est un jeune ado hélas trop ostracisé par ses camarades de classe. Gasoil a le même âge que lui et s’avère être un enfant aussi inventif que plein d’assurance. Leur rencontre en plein milieu de l’année scolaire va marquer le début d’une amitié forte. Et lorsque les grandes vacances approcheront, histoire d’éviter de subir à nouveau la présence envahissante de leur famille respective, les deux ados se lanceront dans la construction de leur propre voiture. Débutera ainsi un voyage burlesque et touchant sur les routes de France…

Entre deux films à gros budget, Michel Gondry prend souvent le temps de se reposer sur un petit projet, plus personnel et moins onéreux, duquel il est en général très facile de déceler l’âme véritable de ce conteur-bricoleur hors pair. Après une adaptation globalement indigeste de Boris Vian ("L’Écume des jours") et une "Conversation animée avec Noam Chomsky", on s’attendait surtout à voir débarquer son projet d’adaptation d’Ubik, le bouquin culte de Philip K. Dick. Mais comme Gondry lui-même aura fini par lâcher l’affaire, on devra se contenter d’un petit road-movie juvénile, blindé de souvenirs personnels autant que pouvait l’être un film comme "La Science des rêves".

Deux adolescents, donc. Le premier est petit, introverti, considéré comme une fille par ses professeurs en raison de son physique, et qui doit se coltiner un grand frère punk et une mère maniaco-dépressive un peu timbrée sur les bords (Audrey Tautou). Le second est extraverti, frimeur, bricoleur, du genre à piller la déchetterie du quartier pour y dénicher des pièces détachées et multiplier les inventions les plus farfelues. Les voilà qui se lancent en duo dans la fabrication d’une maison roulante à partir de quelques planches de bois et d’un moteur de tondeuse à gazon. Avec un postulat pareil, Gondry ne fait aucun mystère sur la tonalité et le propos de son film : un road-movie drôle et touchant, à la fabrication aussi simple qu’économe, qui ne tient que sur la complicité de ses deux têtes d’affiche, et qui surtout, au travers de cette amitié plus ou moins frondeuse, évoque l’adolescence comme une phase de rébellion intime, où chacun s’embarque dans sa propre odyssée avec un art consommé du low-profile et une croyance absolue dans ses rêves.

Bien sûr, qui dit « film sur l’adolescence » implique un regard juste et précis sur les questionnements qui taraudent cette génération mutante. Même s’il ne donne tout de même pas l’impression de réaliser un teen-movie (en tout cas, au sens où on l’entend habituellement), Gondry prend soin de ne rien esquiver, du désir d’émancipation vis-à-vis des parents jusqu’au trouble de la sexualité, et joue la carte de la pudeur, sans transgression graveleuse ni tonalité douce-amère. Les péripéties loufoques et les rencontres inattendues qui jonchent cette virée sur les routes de France vont d’ailleurs dans ce sens, tant le réalisateur trouve ici un bel équilibre entre la confrontation au réel et le décalage revendiqué. Il y règne ainsi une insouciance que Gondry sait faire partager, en douceur, sans trop en abuser.

Au vu de ce joli tableau, pourquoi doit-on malgré tout considérer "Microbe et Gasoil" comme un film mineur dans la carrière de son brillant auteur ? Il y a deux raisons à cela. Tout d’abord, si l’on est un visiteur récurrent de la galaxie Gondry, il faut bien admettre qu’attendre chacun de ses futurs films comme un nouveau stade d’inventivité plastique est devenu la norme. Une continuité que ce nouveau film contredit sans cesse, autant sur le versant esthétique (la mise en scène, aussi précise soit-elle, est dénuée de la moindre audace) que sur le versant symbolique (le film reste trop arrimé au plancher des vaches pour favoriser l’évocation par le cadre). De plus, on aura du mal à saisir pourquoi Gondry a tenu à achever cette parenthèse enchantée par un retour brutal à une réalité sombre, là où tous ses précédents travaux avaient su trouver une esquive digne de ce nom (on se souvient surtout du vrai/faux happy-end d’"Eternal sunshine of the spotless mind" et de l’échappée onirique finale de "La Science des rêves"). Un peu comme s’il fallait pousser l’enfant à rentrer dans le rang après l’avoir laissé stimuler son imagination pendant quelques jours de vacances. Un peu dur, quand même…

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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