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MANCHESTER BY THE SEA

Un film de Kenneth Lonnergan

Le mort-vivant

Lee Chandler est un homme accablé qui vit une existence résignée à cause d’un passé qui le condamne à se haïr. Lorsque son frère décède en lui confiant la responsabilité de prendre en charge son fils, il se retrouve obligé de retourner dans sa ville natale qui a été le théâtre de son drame. Son nouveau rôle lui offre alors l’opportunité d’une rédemption…

Tel un Kubrick ou un Terrence Malick, Kenneth Lonnergan est un cinéaste qui sait se faire désirer. Il a débuté sa carrière en 2000 avec "You can count on me", l’a poursuivie onze ans plus tard avec "Margaret", puis il aura fallu attendre cinq ans pour découvrir son nouveau film "Manchester by the Sea", avec lequel il explore de nouveau le thème de la culpabilité. Il en avait déjà eu l’occasion avec son deuxième long-métrage, en en faisant une source de motivation qui entraînait l’héroïne dans une quête de justice. Mais ici, au contraire, il en aborde le versant tragique, car elle devient une cause de résignation et de haine de soi, qui conduit à l’inertie.

C’est une thématique passionnante qui inspira de grands moments de cinéma, comme lorsque l’officier de marine, qu’interprétait Peter O’Toole dans "Lord Jim" de Richard Brooks (1965), se mortifiait de honte après avoir lâchement abandonné un navire rempli de voyageurs car il était persuadé, à tort, que celui-ci était sur le point de sombrer dans la tempête qui le menaçait. Etant malgré tout un homme d’honneur, il passa dès lors une partie de son existence à se morfondre, indigné par sa propre lâcheté. Ici aussi, le personnage principal vit dans le remord. Mais ce qui fait l’originalité du film, c’est qu’on ne l’apprend pas tout de suite. On est d’abord face à un homme triste, alcoolique et désagréable, dont on ne connait pas le passé. Celui-ci ne nous sera révélé qu’à mi-parcours grâce à des flash-back, ce qui nous fait soudainement prendre conscience de l’état émotionnel du héros, dont on comprend alors le comportement. Tout le sujet de l’histoire est alors de se questionner sur la manière dont on peut continuer à vivre tout en étant condamné à supporter un poids aussi lourd.

La réussite du film tient avant tout à la performance de Casey Affleck, dont le personnage semble véritablement accablé et torturé par son fardeau, et pour lequel il a obtenu un Oscar du meilleur acteur. Ici, tout repose sur les non-dits et l’étouffement des sentiments face à un passé qui resurgit inévitablement. On pense alors au "Choix de Sophie" d’Alan J. Pakula qui lui aussi recourait au même procédé. Mais la photographie joue elle aussi un rôle particulièrement important en mettant en place une ambiance froide et terne. Elle parvient à capter l’atmosphère d’une ville fantomatique qui, symboliquement, reflète la situation mentale des personnages du film.

David ChappatEnvoyer un message au rédacteur

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