LES BANSHEES D'INISHERIN

Un film de Martin McDonagh

Un humour très très noir

Sur l’île d’Inisherin, située à l’ouest de l’Irlande , Padriac avait pour habitude de passer chaque jour à 14h chercher son ami Colm, afin qu’ils se rendent ensemble au pub du village. Mais un beau jour, Colm, pourtant présent chez lui, ne répond pas. Semblant l’éviter, il lui avoue par la suite qu’en réalité il ne souhaite plus le voir. Déboussolé, Padriac ne va pas accepter de perdre cette amitié, et tout faire pour renouer avec Colm…

Les Banshees d'Inisherin film movie

Parabole à peine cachée sur la Guerre Civile (qui faisait alors rage au loin), "Les Banshees d'Inisherin" est avant tout une comédie très noire, sur les mystères de l’amitié, les aspirations de chacun et l’incompréhension de l’attitude de l’autre, voire de son désir d’indépendance. Avec ce film, l’auteur du formidable "Bons baisers de Bruges", Martin McDonagh (également auteur de "3 Billboards", retrouve ici les deux interprètes principaux de ce film culte, Brendan Gleeson et Colin Farrell, mais aussi le chemin des remises de récompenses (Baftas, Golden Globes, Oscar…). La moisson a d’ailleurs déjà commencée au Festival de Venise, dont le film est reparti avec le Prix du meilleur scénario, mais aussi le Prix d’interprétation masculine, pour Colin Farrell.

Habitants d’une petite île au large de la côte ouest irlandaise, les personnages évoluent au coeur d’un paysage bucolique (prairies, petits murets de pierres, falaises…), mais tourmenté par les vents. Leur amitié soudainement disparue d’un côté, persistante de l’autre, devient l’enjeu des interactions entre les deux hommes, mais aussi leur entourage : la sœur de Padriac, Siobhan, désireuse de partir vivre sa vie ailleurs, et Dominic, une sorte de gentil idiot du village. Récit d’abandon qui résonne comme une plaisanterie surréaliste au début, l’histoire va ensuite balancer entre comédie et drame, l’insistance de Padriac (Colin Farrell) envers Colm (Brendan Gleeson) entraînant des réactions de plus en plus extrêmes de la part de ce dernier.

Située peu de temps après la séparation des deux Irlande (1921), l’action se centre donc autour de l’amitié, et de ce pub devenu lieu de tensions par excellence. Une sorte de saloon de western, dont le film adopte justement certains codes (inspirés de John Ford et Sergio Leone notamment), avec divers plans filmés à partir des pieds des personnages, ou à travers les portes et les fenêtres, traduisant ainsi les frictions grandissantes entre les personnages… Si le titre peut paraître mystérieux, il évoque les croyances locales, les personnages de la vieille femme vivant isolée au bord du lac, rapellant les « banshees », ces femmes annonciatrices de mort du folklore irlandais. Et c’est justement certainement dans la nature solitaire des lieux, et le caractère isolé de l’île (le tournage s’est en réalité réparti entre deux îles : Inishmore et Achill), qu’il faut chercher une partie de la signification de cette histoire improbable mais percutante.

Les exclus de la société n'ont-ils droit dans leur existence, qu'à subir des discussions banales ? Les idiots, malgré toute leur bonne volonté, sont ils capables de maintenir une amitié sur la durée ou ont-ils droit de prétendre à l'amour ? L’amitié en elle-même peut-elle se détacher d'aspirations intellectuelles, artistiques ou de réelles affinités ? Ces choses-là ne peuvent-elles être finalement trouvées qu’en décidant de partir vers des lieux plus peuplés ou plus urbains ? En choisissant délibérément une tonalité très sombre, tout en réservant nombre de cyniques rebondissements, Martin McDonagh nous régale par la profondeur de ses personnages, son approche sensible d’êtres humains qui cherchent ici leur place dans la société, et la parabole politique qui trouve aussi un double sens face à l’actuel Brexit.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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