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LE MAL N'EXISTE PAS

Un film de Ryûsuke Hamaguchi

Des sentiers inattendus

Takumi, aidé par Kuzuo, coupe du bois et récupère de l’eau. Il récupère sa fille à l’école, et traverse la forêt pour rentrer chez lui. De petits gestes qui correspondent à sa vie dans une communauté relativement isolée, le village de Mizubiki, proche de Tokyo. Mais un projet de glamping pouvant accueillir jusqu’à 64 personnes, risque de mettre en danger non seulement l’équilibre écologique des lieux, mais aussi la vie des résidents…

Un long travelling d'une vue tournée vers la canopée d'une forêt, accompagné de violons, vient ouvrir le nouveau film du japonais Ryūsuke Hamaguchi, auteur de "Drive My Car" et "Contes du hasard et autres fantaisies". S'en suivent des scènes montrant la proximité d'un père et sa fille avec la nature qui les entoure, comme le symbole d'une harmonie qui régnerait ici plus qu'ailleurs et qu'un projet de glamping (« camping glamour », c’est à dire tout confort) va venir potentiellement remettre en cause. Montrant ensuite une réunion publique, où les arguments fusent, implacables et limpides, contre le projet (inadaptation des fosses septiques, pollution des puits des habitants, risque d'incendie aggravé, perturbation du passage de cerfs ou animaux porteurs de maladies...). Ceci avant que l'on dévoile à demi-mot les enjeux de cet investissement (l'opportunité de subventions Covid dont la date limite proche...) piloté par un tandem de communicants chargé de convaincre Takumi d'accepter de devenir le gardien du futur camping, et expliquant la présence d'un consultant, qui ne sera disponible qu'à distance.

Mépris pour les locaux, incompétence des communicants, opportunisme immobilier, tout est réuni ici pour un affrontement en règle entre partisans et opposants du projet. Mais Ryūsuke Hamaguchi déroute, en délaissant résolument les riches dialogues de ses films précédents de côté, pour une approche plus contemplative, au rythme de son personnage principal, auquel doit s'habituer le spectateur, comme les deux agents venus promouvoir le projet. Grand prix du jury du Festival de Venise 2023, "Le Mal n'existe pas" dispose d'un titre trompeur, surprend en alternant étrangement les protagonistes (on passe de l'habitant, aux deux communicants, à la fille...), chacun ayant droit à ses espaces de vie malgré le projet qui les écrase, et captive par la beauté de ses plans mariés à la musique d'Eiko Ishibashi. Une œuvre à part, alliant symbolique, politique et écologie, dans un récit qui prendra toujours des sentiers inattendus.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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