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LAROY

Un film de Shane Atkinson

Un régal de thriller décalé

Ray se fait aborder dans un diner par un ancien camarade de classe, Skip, devenu une sorte de détective privé. Celui-ci, qui n’a pas encore véritablement de client, lui montre des photos de sa femme, Stacy-Line, entrant dans la chambre d’un motel, à la limite de LaRoy, sa ville. Un soir où celle-ci se fait un peu trop coquette et s’absente pour aller au cinéma avec une amie, il décide d’aller sur le parking du motel, dans sa voiture, pour la prendre sur le fait. Mais c’est alors qu’un homme débarque, lui remet une enveloppe avec de l’argent et lui demande que le contrat soit réalisé dès le lendemain. Comprenant qu’il s’agit d’abattre un homme, celui-ci se montre aussi angoissé que curieux. Mais le vrai tueur à gages, lui, est en route pour la ville…

La moisson de prix reçus au dernier Festival de Deauville en disait déjà long sur la qualité de ce long métrage, avec le Grand Prix, le Prix du Public et le Prix de la Critique. Et "LaRoy", comédie noire, surfant sur les aspects pathétiques de ses personnages et un bon nombre de quiproquos, ne déçoit jamais, surprenant presque à chaque instant, par un scénario que renieraient nullement les frères Coen. Premier long métrage de Shane Atkinson, le film est un régal de quiproquos et de malheureux hasards, le scénario poussant tellement ces aspects que les situations en deviennent forcément comiques. Mais il n'est pas pour autant dénué d'émotion, grâce à une fine caractérisation du couple principal, entre l'amertume d'une coach pour jeunes Miss, déçue par la banalité de son existence (elle ne cesse de regarder vers son seul moment de gloire et sa propre couronne de Miss), et le contentement et la béatitude passive de son mari, régulièrement humilié par son frère, avec lequel il dirige une quincaillerie familiale, et finalement par la plupart des personnes qu'il croise, qui ne voient en lui que quelqu'un de passif, capable uniquement de subir.

Mais l'idée géniale est du coup de faire passer celui-ci à l'action, en le faisant s'intéresser à l'homme, un avocat, qu'il serait censé abattre contre de l'argent. Mais comme on ne change pas son caractère comme cela, la situation ne peut alors que déraper, la faute non pas à son courage qui serait enfin révélé, mais à son amateurisme, au hasard et aux agissements des autres. Eternel spectateur et éternel perdant, Ray, interprété de manière malicieuse par un John Magaro (vu dans "First Cow" et récemment dans "Past Lives – Nos vies d’avant") très Droopy, devient alors un symbole d'une Amérique moyenne au désir de revanche, mais sur laquelle le sort semble s'acharner, les dés étant pipés de tous côtés. On pense forcément à "Fargo", en version désert au lieu d’enneigée, les meurtres inattendus et l'ironie venant irriguer l'ensemble. La scène d'ouverture est d'ailleurs un modèle de drôlerie pince sans rire et d'ode à l'imagination tordue, alors qu'un homme en panne est pris en stop par un autre, chacun s'amusant ensuite à inquiéter l'autre quant à sa nature potentielle de psychopathe ou de tueur.

Après cette introduction qui donne le ton, le film va crescendo dans l'absurde imbroglio, grâce surtout à nombre de personnages secondaires captivants. Steve Zahn fait des merveilles en pseudo détective, détesté par ses anciens collègues de la police, et plus idiot que tactique. Matthew Del Negro joue les frères sans scrupules, macho arriviste ridicule, alors que Megan Stevenson incarne la femme, aux odieuses bouffées de liberté et prête à l'explosion. Alors que Dylan Baker donne corps à ce tueur à gage, aussi monolithique qu'inquiétant, plein de supposés principes et prêt à tout pour récupérer l'argent de son contrat. Ajoutez à cela la femme d'un concessionnaire infidèle, une serveuse de diner harcelée par ses clients, des policiers locaux peu coopératifs, de multiples arnaques et tromperies, et vous disposez d'un cocktail qui ne peut que finir en feu d'artifice. Une comédie policère douce-amère très réussie, qui rappelle ironiquement au travers d'une simple réplique, qu'en matière d'argent, de réussite, comme d'amour : « qu'est-ce que le mérite a à voir dans tout ça ? ».

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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