LA NUIT VENUE

Un premier film étonnant et enivrant

Un clandestin se retrouve à devoir jouer les chauffeurs VTC pour le compte de la mafia chinoise. Une nuit, il fait la rencontre de Naomi, jeune femme de la nuit. Elle fera de lui son chauffeur attitré, le début d’une histoire d’amour qui contredit les règles de leur milieu…

La nuit venue film image

Un chauffeur de taxi, la nuit. Ces simples mots nous projettent immédiatement des images de "Collateral" et "Taxi Driver". Pas facile donc pour Frédéric Farrucci de s’attaquer à une telle mythologie cinématographique, en particulier lorsqu’il s’agit de son premier long métrage. Et pourtant, tout en assumant ses inspirations sans parfaitement les digérer, le néo-réalisateur réussit son pari, nous offrant une plongée onirique dans l’obscurité des nuits interlopes d’un Paris rarement capturé. Jin est un immigré chinois sans papier, travaillant comme chauffeur VTC pour le compte de la Triade afin de regagner sa liberté. Déambulant dans les méandres de la capitale, cette âme solitaire et taciturne combat son spleen en s’abandonnant aux sonorités d’une playlist électro planante et électrisante, cendres d’un lointain passé de DJ. Un soir, Naomi, jeune femme de la nuit, fait irruption dans sa berline. Séduite par l’aura du garçon et par cette bande-son soignée (en réalité signée par l’excellent Rone), la call-girl décide de faire de lui son chauffeur pour ses pérégrinations nocturnes.

Plus qu’une chronique sentimentale, le film est surtout le récit d’une époque, d’un lieu où les migrants, les receleurs, les mafieux et les marchands de sommeil se croisent, se côtoient, les uns profitant de la détresse des autres. Constat terrible d’un esclavagisme moderne, "La Nuit venue" incarne l’échec de nos modèles sociétaux où l’individualisme règne et où l’humain ne cesse de disparaître sur l’autel des considérations économiques. De cette réalité, Jin en a conscience, mais lui est bien trop occupé à essayer de survivre, à défaut de pouvoir vivre, à éviter le danger qui rode, la mort qui guette à chaque intersection. Braver les interdits de son clan par amour n’est pas un acte conscient, mais une pulsion de désir, celui d’exister. Magnifiquement interprété par le troublant (et débutant !) Guang Huo et Camélia Jordana, cette œuvre envoûtante est une jolie surprise dont la prévisibilité du scénario n’empêche en rien le voyage romanesque et poétique auquel il nous invite.

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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