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HEUREUX COMME LAZZARO

Un film de Alice Rohrwacher

Deux films en un, pour constituer un véritable bijou

A l’Inviolata, un hameau isolé sur lequel règne la marquise Alfonsina de Luna Lazzaro, un jeune paysan serviable et plein de bonté dénommé Lazzaro, se lie d’amitié avec Tancredi, le fils de la marquis. Ensemble ils rédigent une lettre disant que Lazarro a enlevé Tancredi, qui reste caché dans une grotte à l’écart…

Heureux comme Lazzaro image

Après son très décevant "Les Merveilles", la réalisatrice italienne Alice Rohrwacher a créé la surprise au dernier Festival de Cannes, avec le très beau portrait d'un jeune homme naïf et toujours serviable, exploité par les autres membres de sa communauté, des plus grands jusqu’aux enfants. Un peu simplet, Lazzaro sert en effet à tout : déplacer la grand-mère, ranger la poule, guetter le loup, porter la récolte. Les ordres lui passent dessus comme de simples paroles, n’effaçant jamais son sourire, ni le petit éclat qu’il a dans les yeux.

À la manière d'un conte intemporel, le scénario dessine une perte de l'innocence, grâce à un acteur économe en effets (Adriano Tardiolo, parfait dans la volonté comme dans l'étonnement) et à quelques situations aussi improbables que cruelles. Poétique par moments (le battage du foin se ressent comme une douce neige…), le ton devient plus amer lorsque l’on découvre ce que cache ce petit monde miséreux, ancré dans un passé qu’on pourrait penser révolu.

En deux parties d'une heure chacune environ, Alice Rohrwacher donne à voir deux « époques » impliquant les mêmes personnages, et délivre une belle parabole sur l'exploitation des masses et la condition des migrants ou déplacés. Évoquant la dette et le travail pour rien, la mendicité et le vol comme recours légitime, comparant la banque à un loup, son scénario, malin, contraint à une saine interrogation.

Entrant forcément en résonance avec l'actualité, le film rappelle que les classes sociales existent toujours et que les petites gens, même de meilleure volonté, sont toujours ceux qui sont les dindons de la farce. Poétique et politique, "Heureux comme Lazzaro", prix du scénario 2018 à égalité avec "3 visages" de Jafar Panahi, surprend en permanence, avant de réellement émouvoir. Un conte doux-amer sur les maux de la société d’aujourd’hui (et d’hier).

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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COMMENTAIRES

Fludbis

dimanche 3 mars - 6h20

Voilà une critique éloquente !

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