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LES HÉRITIERS

Un film, inspiré d’une histoire vraie, avec une force documentaire incroyable

C’est la rentrée scolaire au lycée Léon Blum. Anne Gueguen, prof d’histoire passionnée, est également professeur principal d’une classe de seconde difficile. Au bout du premier trimestre, elle propose à ses élèves de participer au concours national de la Résistance et de la Déportation…

Alors que la réalisatrice Marie-Castille Mention-Schaar nous avait laissé un goût amer avec son précédent film "Bowling" (comédie ratée avec Catherine Frot), il faut dire que les a priori sur son nouveau long métrage étaient fortement orientés vers le catastrophisme surtout avec un sujet portant sur l’école, c’est-à-dire loin d’être des plus originaux… Force est de constater qu’il faut toujours laisser ses préjugés aux vestiaires tant ce film est un petit miracle. Il vous cueille comme rarement une histoire, des comédiens et une mise en scène vous scotchent à votre fauteuil. Et pourtant point de navettes spatiales ni de tempêtes force 4, mais la simplicité et l’universalité d’un beau et vaste sujet : le travail de mémoire autour de la Shoah pour une classe de seconde qui ne brille pas par ses résultats.

Démarrant par une scène qui donne le ton – question insoluble autour du port du voile –, "Les Héritiers" s’imprègne du monde dans lequel il vit aujourd’hui, en 2014. Normal, il est inspiré de l’histoire vraie d’Ahmed Dramé, co-scénariste et acteur principal du film. La première partie du long métrage dresse un constat accablant sur l’éducation dans les classes difficiles où les jeunes sont en totale autarcie intellectuelle vis-à-vis de leurs professeurs et en représentation permanente pour un tant soit peu exister et s’affirmer dans un groupe. Le constat n’est pas nouveau et on pense énormément au film de fiction, palmé d’or en 2008, "Entre les murs". D’autant plus qu’il possède ses mêmes qualités : une mise en scène presque documentaire et immersive – on oublie complètement la caméra –, ainsi que des comédiens plus vrais que nature (étudiants comme professeurs).

Alors qu’on cherche encore à savoir où la réalisatrice veut nous emmener, le pivot du film arrive quand la prof principale (bouleversante Ariane Ascaride) invite ses élèves à pénétrer la Grande Histoire par la petite porte. Elle leur propose de participer à un concours national en travaillant, en plus de leur scolarité, sur le sujet des « enfants et adolescents dans le système concentrationnaire nazi ». À partir de là le film décolle et nous avec ! Les étudiants se retrouvent alors face à des portraits d’ado confrontés à l’horreur de la guerre, des ados d’une autre génération, mais des ados comme eux. L’identification est frontale et leur regard sur ce pan de l’Histoire (qui s’arrêtait pour eux à des pages d’un livre de collège ou à un film américain) change du tout au tout.

Les thèmes de la transmission et de l’héritage prennent tout leur sens dans le système éducatif si décrié. C’est également une belle leçon de partage où le travail collectif trouve son salut. La prof principale « élève » toujours vers le haut ses étudiants. Elle croit constamment en eux. Elle tient bon quand il faut les recadrer et leur ouvre de nouveaux horizons d’apprentissage. Ces derniers comprennent alors qu’ils sont les héritiers d’un savoir qu’ils devront eux-mêmes partager plus tard. Et la rencontre avec Léon Zyguel est, à ce stade, capitale. Dans une scène à la force documentaire incroyable, ce vieil homme, un vrai rescapé de la Shoah, témoigne face aux élèves. La caméra ne semble plus là, les élèves sont – réellement – médusés face à ce monsieur qui leur parle de sa vie à leur âge. Le spectateur a l’impression d’y être aussi et de partager avec eux ce moment d’émotion intense.

L’émotion ne quitte alors plus le spectateur, qui se prend d’affection pour cette classe cosmopolite du lycée Léon Blum : un homme politique français qui s’est opposé au régime de Vichy et a été déporté près d’un camp de concentration. C’est aussi cela "Les Héritiers", des portraits de jeunes qui pourraient se reconnaître en des « figures » de notre pays (Blum, Zyguel, mais aussi Simone Veil qui se déclarait « insolente au lycée » dans un reportage pour la télévision mais dont on connaît le parcours par la suite). En filigrane, Marie-Castille Mention-Schaar rappelle que l’échec n’est pas le résultat d’une fatalité et que le courage et le travail permettent d’accéder à la réussite. Ces jeunes lycéens en sont la preuve vivante : tous ont eu leur bac et la plupart avec mention !

Mathieu PayanEnvoyer un message au rédacteur

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