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THE GRANDMASTER

Un film de Wong Kar-wai

Wong Kar why ?

En 1936 en Chine, la rivalité entre courants du Kung Fu est de plus en plus forte. Ip Man va se voir désigner comme possible successeur du Grand maître Baosen, à la tête de l’Ordre des Arts Martiaux Chinois. Il inventera un art qui marie deux styles, considérés jusque là comme incompatibles…

Si on a du mal au premier abord à voir ce qui a pu intéresser Wong Kar Wai, hormis le point de vue historique lié à une figure emblématique du Kung Fu, et l'aspect forcément graphique des combats, dans la reconstitution de la vie d'Ip Man, les plus patients seront à la fois récompensés et déçus, à la vision du dernier quart d'heure du film. Car au delà la question de la succession, de la lutte entre clans, derrière les sujets de l'occupation japonaise et de la division du pays, se cache une de ces histoires d'amour impossible qui hantent le réalisateur de "In the Mood for Love", mais que la pauvreté du scénario empêche ici de mettre en avant.

Car l'essentiel de ce "Grandmaster", reconnaissance d'un personnage historique ayant fondé la plus mythique des écoles d'arts martiaux (celle qui a formé Bruce Lee notamment), se résume à une succession de scènes de combats sans âme. On pourra être un instant subjugué par la scène d'ouverture et son ambiance poisseuse : sous une pluie battante, l'ombre d'un portail en ferronnerie se dessine sur un sol détrempé, et les savates glissent et frappent le sol, provoquant éclaboussures et gouttes, Wong Kar Wai usant à merveille de ses ralentis, et réussissant à nous emporter dans le tourbillon d'egos qui se font face. Mais la suite des événements ne provoquera qu'un profond ennui, développant à peine la figure du rival exilé par les maîtres pour sa prétention.

Wong Kar Wai n'est pourtant pas à sa première intrusion dans le monde des arts martiaux (voir "Les Cendres du temps"), mais il ne semble pas ici très à l'aise avec cette fresque se déroulant sur plus de 20 ans. Si les disparités entre courants du Kung Fu renvoient au renforcement des scissions du pays (Hong Kong fermant ses frontières à la Chine en 1953), le déchirement n'est pas vraiment palpable. Tony Leung trouve à peine un peu d'espace pour esquisser quelques sourires, gardant toujours une étrange distance, tandis que Zhang Ziyi incarne, lointaine, une fille de grand maître uniquement animée par la vengeance. Quant au vilain de l'histoire, il apparaît comme une simple caricature.

On regrettera donc que Wong Kar Wai ait tout sacrifié à des chorégraphies répétitives, le long métrage étant centré sur des combats, amenés certes par quelques répliques amusantes, mais dont l'enchaînement ne laisse jamais le temps de comprendre les motivations personnelles de chacun. La succession de nombreux plans sur les pieds en savates glissant sur différents sols (parquet, béton, neige...) finit par friser le ridicule. Quant au fameux mariage de styles, il apparaît ici bien hermétique, puisqu'aucune clé ne nous est réellement donnée pour comprendre la subtilité des combats. Le véritable drame intime du fameux Ip Man passe donc à la trappe, et s'il reste la qualité de la photographie, une nouvelle fois sublime, il en faut bien plus pour convaincre.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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