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FAINÉANT-E-S

Un film de Karim Dridi

Sur la route…

Expulsées de leur squat par la police, Nina et Djoul reprennent la route à bord de leur vieux camion, sillonnant les routes de France avec des désirs de fête et de liberté. Lors d’une escale en pleine campagne, une dispute éclate et amène les deux amies jusqu’ici inséparables à prendre des chemins différents, au moins pour quelque temps…

À peine a-t-on eu le temps de se remettre du torrent émotionnel provoqué par "Revivre" qu’un autre film de Karim Dridi refait son apparition pour cette année 2024 – un doublé qu’il n’avait pas renouvelé depuis ses deux premiers films "Pigalle" et "Bye-bye" il y a pile poil trente ans. Le moins que l’on puisse dire, c’est que "Fainéant-e-s" échoue à reproduire le même pic d’émotion et d’humanisme. Sans doute est-ce en raison d’un scénario qui, loin d’une quelconque déclinaison de "Sans toit ni loi" sous l’angle de la sororité, suit surtout jusqu’au bout la logique interne de ses deux protagonistes, consistant à prendre les chemins de traverse au détriment d’une quelconque quête de cohérence intime et/ou existentielle.

Entre la zonarde Nina et la punk Djoul va très vite se dévoiler un écart de tempéraments affectifs qui va pousser ce duo a priori solide comme le roc à se splitter à la fin du premier tiers. De là viendront un petit éventail de rencontres et d’épreuves montées en parallèle, mais que Dridi traite comme des étapes de plus sur un trajet à double visage et non comme des sources d’enjeux à valeur déterminante. De là vient précisément le sentiment mitigé que l’on ressent vis-à-vis de ce road-movie : non pas un effet de surplace qui viendrait alourdir la narration, mais un faux air de lâcher-prise qui l’empêche de préciser sa direction. Et de facto, on sort du film en se demandant quel était finalement le but et/ou la destination du voyage.

Deuil familial, rencontre amoureuse, fausse couche dans un squat glauque, travail temporaire dans une usine, fiesta punk en l’honneur d’un ami en phase terminale… Ces petits blocs de réalité, capturés avec un sens aigu de la patience et de la distance (c’est là encore le point fort de Dridi), sont bien trop succincts et épurés en l’état pour réussir à faire germer une vraie émotion, aussi bien en raison du contexte exploré (déchéance sociale ou éclatement familial) qu’au regard d’une sensibilité punk et frondeuse que l’on imaginait vectrice de liberté absolue.

Cette affection de Dridi pour les marginaux et les couches sociales les moins favorisées continue en l’état d’irriguer pleinement l’écran, mais la fibre émotionnelle qui devrait s’en faire le relais pointe trop souvent aux abonnés absents. Il n’est d’ailleurs pas étonnant que ce relâchement aille jusqu’à impacter la mise en scène elle-même : la seule grande idée de cinéma marquante à relever dans "Fainéant-e-s" réside pour le coup dans ce plan-séquence unique, immersif et oppressant de par son jeu sur les échelles de plan, qui accompagne le générique de début. Restent deux comédiennes épatantes, drôles et attachantes à plus d’un titre, dont le bagout et la pulsion de vie suffisent à éviter à ce voyage de friser la sortie de route et/ou la perte de temps.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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