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EVIL DEAD RISE

Un film de Lee Cronin

Même pas peur

Entre deux tournées, Beth décide d’aller voir sa sœur Ellie à Los Angeles, où elle vit seule avec ses trois enfants. Mais suite à un tremblement de terre, la famille découvre, dans les sous-sols de l’immeuble, un mystérieux livre. Le cauchemar peut commencer…

Evil Dead Rise film movie

Quand on pense films d'horreurs et cabanes dans les bois, la série de films "Evil Dead" nous vient forcément à l'esprit. C'est en 1981 que Sam Raimi (futur réalisateur de la saga "Spider Man" du début des années 2000) arrive dans la cour des grands avec son petit film de potes fauchés. Et l'effet est immédiat ; le film devient culte et propulse Raimi et sa bande sur le devant de la scène. Depuis, deux suites ont vu le jour, toujours sous la direction du cinéaste, qui passera le relai pour un remake en 2013, cette fois réalisé par Fede Alvarez, mais produit par Raimi et sa boîte de production Ghost Pictures. 10 ans plus tard arrive un nouvel opus, sobrement intitulé "Evil Dead Rise", avec le débutant Lee Cornin aux commandes. Après un remake au traitement très premier degré mais avec sa propre identité et capable de développer sa propre mythologie, que nous réserve cette nouvelle mouture et quelle est sa place dans une saga unique, prise entre l'horreur pure et le cartoon à l'humour sanglant ?

Lourd héritage que celui de la saga iconique. Lee Cronin fait donc le choix de l'humilité et propose un métrage qui puise principalement dans l'ambiance crasseuse du remake et son désir d'orgie d'hémoglobine, tout en piochant ici et là dans "Evil 2" et 3 pour leur insolence de sale gosse. Le premier écueil du cinéaste est de ne jamais vraiment choisir entre l'aspect comique de la série (ciné et TV avec "Ash Vs the Evil Dead") et son pendant plus horrifique et brutal. Dans cette version 2023, c'est bien simple : tout y est. Le problème ne vient pas de mélanger des genres ou intentions différentes, mais bien d'arriver à les faire co-exister. Et comme le cinéaste est plus préoccupé par l'aspect purement forain de son film et de sa mythologie, beaucoup de séquences sont sacrifiées sur l'autel du « fun ».

Pourtant le film prend son temps en termes d'exposition de personnages et durant tout le métrage on nous présentera leurs dilemmes moraux et leurs enjeux avec un sérieux qui n'en démord pas. Les « deadites » (démons du films) viennent interrompre de temps à autre ce genre de séquence de façon sanglante mais à la limite de la blague grasse (le coup de l'œil façon baseball). Un double message est alors envoyé au spectateur : « apprenez à aimer nos personnages, mais ne vous en souciez pas trop parce que finalement on n'est pas là pour ça ». Même des éléments qui étaient au cœur de la promotion (une mère devient un démon vengeur et assoiffé de ses enfants) n'ont guère de substance à l'écran. Pire, le film ne joue que trop rarement avec cette véritable nouveauté apportée par ce chapitre : au lieu d'amis d'enfance, cette fois c'est une famille avec enfants en bas âge qui va finir par s'étriper (littéralement). Cela aurait pu amener des séquences fortes en tension dramatique mais aussi devenir réellement cruel et méchant si ces éléments étaient vraiment utilisés.

De plus le cinéaste n'essaye en aucun cas de réellement créer des personnages avec de vrais enjeux. Difficile donc pour nous de vraiment nous investir et d'avoir peur pour les protagonistes. On nous ressert même l'énième tante (excellente Lily Sullivan) qui attend un enfant et va devoir endosser ce rôle pour ceux de sa sœur. Un énième parcours d'héroïne avec cours express sur la maternité pour qu'elle en sorte sereine vis-à-vis d'elle-même et de ses choix. À croire que les personnages féminins ne se définissent pas autrement. Et ça n'aurait pas dérangé l'auteur de ces lignes si le cinéaste en faisait vraiment un ressort dramatique, mais c’est là encore un rendez-vous loupé. La comparaison avec le remake de 2013 joue également en sa défaveur. On découvrait Mia, emmenée par ses amis d'enfance dans une cabane dans les bois pour effectuer un sevrage en profondeur. Le film créait un vrai parcours : Mia contre son addiction, Mia contre ses démons et pour finir Mia contre elle-même. Sans créer un film avec des niveaux de lectures complexes, Fede Alvarez avait mis un point d'honneur à nous présenter une héroïne tangible et cohérente. Cette fois-ci, malgré la bonne performance des actrices et des jeunes comédiens, aucun de leurs personnages n'est réellement étoffé et Beth, qui devient peu à peu la mère de substitution, arrive un peu trop sur le tard.

Et le film est gore, il ne démérite pas concernant sa classification. Empalement, coup de ciseau par voie nasale, scalp, brûlé vif... On ne pourra pas enlever une réelle générosité dans ce joli massacre. Malheureusement le métrage use et abuse de sang en CGI (effets spéciaux en images de synthèses), trop visible. Cela dénature le concept même de Evil Dead : être organique avec des effets fait mains. Le remake l'avait bien compris en proposant un subtil mélange des deux pour un effet décuplé. Mais ce nouveau métrage paraît bien sage et surtout artificiel dans sa représentation graphique. Comme si Lee Cronin nous brossait finalement dans le sens du poil en nous donnant ce qu'on est venu chercher : des litres de vrai faux sang. Nous ne parlerons pas non plus de ces tonnes de références balancées à la gueule du spectateur de façon gratuite. On passe de Cronenberg à "Hellraiser" pour finir avec "The Shining" et ses portes ensanglantées. Plutôt que de les intégrer intelligemment, ces clins d'œils, nous font sortir de notre immersion, en nous rappelant constamment que tout ça a été fait mieux ailleurs et il y a longtemps.

On peut noter cependant une jolie photographie (par le chef opérateur de la série "Ash Vs The Evil Dead"), bien que conventionnelle dans son éclairage. Et quelques bonnes idées de mise en scène viennent parsemer le métrage avec des cadrages intéressants (le plan d'introduction avec le titre, lors de la transformation de Ellie ou la séquence de la cage d'ascenseur). Le montage incisif et sec est aussi très raccord avec la cruauté à l'écran. On notera également une bande son efficace, que l'on doit à Joel J. Richard (à l'œuvre sur la saga "John Wick") et Stephen McKeon. En découle une ambiance proche des enfers avec son orchestre et ses voix que la musique accompagne et iconise. Là encore, elle fait écho à celle du film de Fede Alvarez, orchestrée par Roque Banos.

À noter que le changement de lieu (on passe de la cabane dans les bois à une tour résidentielle) est agréable et renouvelle un peu le dynamisme des séquences de la saga. Le lieu nous rajoute en effet, par la même occasion, des victimes supplémentaires avec les autres locataires de l'immeuble. On regarde ainsi, impuissant, à travers l'œil de judas le massacre des voisins de paliers : simple, avec une bonne idée de mise en scène à la clé, en jouant habilement sur le hors champs. On aurait aimé que le film utilise toutes ses idées de cette manière : intégrées au procédé cinématographique et avec une réelle tension. Parce que, on s'excuse d'avance pour le spoiler, mais ce nouveau chapitre ne fait pas peur. Malgré une utilisation du son intéressante et immersive (lors de l'écoute des vinyles), et des cadrages parfois inventifs, le métrage peine à surprendre le spectateur accoutumé à ce genre de films. Chaque effet se voit privé de sa substance dès qu'on a les codes en main. Difficile d'être surpris par un programme finalement assez banal et mécanique.

L'aspect forain du divertissement d'horreur fait partie intégrante du genre, mais triste est de constater qu'on n’aura pas plus à se mettre sous la dent. Pour l'amateur de viscères et/ou le néophyte de la saga, le film est un rendez-vous honnête aux qualités plastiques indéniable. Mais difficile de croire à un véritable « Rise » quand le film, après s'être acharné à délocaliser son action dans un décor intéressant et frais, nous ramène indéniablement dans une énième cabane dans les bois. On commencerait presque à croire que le cinéma d'horreur américain est coincé entre le manoir hanté et la cabane isolée, incapable de complètement sortir de ses carcans, et nous reservant la même soupe avec un assaisonnement à peine différent. Pas sûr que ça nous fasse nous déplacer à chaque fois.

Germain BrévotEnvoyer un message au rédacteur

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