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DREAM SCENARIO

Un film de Kristoffer Borgli

Tout au bout de nos rêves, où la raison s’achève

Du jour au lendemain, de nombreuses personnes voient apparaître le même homme dans leurs rêves : Paul Matthews, un professeur d’université sans histoire. Cette notoriété soudaine va avoir de terribles conséquences sur sa vie personnelle…

Paul Matthews, un nom terriblement banal, sans surprise, à l’image de la vie de ce professeur passionné par l’évolution des fourmis et dont les velléités de publication sont demeurées des chimères. Il est l’archétype de l’américain moyen, jouissant des plaisirs d’une résidence pavillonnaire avec sa femme et ses deux enfants, traversant l’existence sans faire de vague, s’essayant de temps à autre à un trait d’humour que seul lui semble vraiment apprécier. De ce quotidien où la poussière s’accumule plus que les anecdotes racontables en société, le quinquagénaire ne s’en plaint pas. Jusqu’au jour, où celui-ci va mystérieusement apparaître dans les rêves de nombreux individus. Pas en tant que protagoniste, non, dans les songeries, il ne fait également que traverser, tel une simple présence à un endroit où personne ne l’attend. Que les quidams le connaissent intimement ou non, le constat est le même : la nuit venue, l’homme surgira dans leurs songeries comme une vulgaire silhouette d’arrière-plan.

Si ce script peut paraître tout droit sorti de l’esprit de Charlie Kaufman (le scénariste notamment de "Dans la peau de John Malkovich" et "Eternal Sunshine of Spotless Mind"), c’est à Kristoffer Borgli que l’on doit pourtant cette intrigue loufoque. Le cinéaste remarqué avec "Sick of Myself" poursuit sa critique de notre société moderne, où les réseaux sociaux sont omniprésents et le quart d’heure warholien, le but ultime de beaucoup. Et sa première bonne idée est d’offrir le rôle principal à Nicolas Cage, devenu depuis quelques années un totem pour les aficionados de mèmes. Comme le personnage, le comédien se manifeste depuis plusieurs années un peu partout, dans des productions dont on ne connaît ni le nom ni le réalisateur, mais dont le sentiment de déjà-vu est omniprésent. Celui qui jadis tutoyait David Lynch et les frères Coen est devenu la raison même de faire un film, ces fameux « Nicolas Cage movies » qui trouveront bien un public sur les étagères où s’entassent ces séries B rarement mémorables.

Si "Dream Scenario" s’amuse avec la légende de sa vedette, le métrage bénéficie de vastes qualités qui l’éloignent très rapidement de ses contemporains, y compris lorsque ceux-ci jouaient déjà la carte méta (le raté "Un talent en or massif"). Jouissive et corrosive, cette comédie dramatique s’essouffle un peu en voulant transformer le postulat en un cauchemar horrifique pour moquer la cancel culture. Moins percutant dans le pamphlet contre la start-up nation que dans l’humour onirique, cette œuvre déjantée confirme toutefois la propension de son auteur à disséquer avec brio les maux numériques de notre époque, cette folie ambiante qui peut exploser en quelques secondes. Sans pleinement convaincre, cette nouvelle pépite estampillée A24 mérite, comme à leur habitude, un détour par les salles obscures. Pour visionner le film ou pour rêver ?...

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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