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LA COULEUR DES SENTIMENTS

Un film de Tate Taylor

Titre mièvre échange beau film…

Dans les années 60, dans la petite ville de Jackson, dans le Mississippi, une jeune femme qui a de l’ambition et veut devenir écrivain, s’indigne de la façon dont sont traitées les bonnes, femmes noires qui n’ont même pas le droit de partager les mêmes toilettes que les blancs qui les emploient. Avec l’accord mitigé d’une éditrice, elle tente de convaincre une des bonnes de lui raconter ce qu’elle vit, afin de jeter un pavé dans la marre…

« La couleur des sentiments », où comment un film subtil est caché sous une affiche mièvre et un titre dégoulinant, parce que le service marketing en a décidé ainsi. Après un succès colossal dans les librairies américaines, le livre éponyme dont s’inspire ce film est sorti il y a tout juste un an en France. L’adaptation américaine a flairé le succès et entreprend donc de nous raconter cette histoire d’amitié qui dépasse les barrières raciales dans l’Amérique des années 60.

Le casting est parfait. Jessica Chastain, révélée par « The Tree of Life » se retrouve bizarrement en tête d’affiche alors qu’elle n’occupe pas le devant de la scène. Elle tient pourtant parfaitement son rôle de fille un peu vulgaire, mais pas si bête, et en tout cas beaucoup trop gentille et humaine pour concevoir ne serait-ce que le concept de racisme. Emma Stone, à ne pas confondre avec Emma Watson (Hermione dans Harry Potter) comme le faisait votre serviteur, n’est pas encore ultra médiatisée (on la verra bientôt dans « The Amazing Spiderman », et elle ne vas pas tarder à faire du bruit). Cette demoiselle est donc relayée à la troisième ligne du générique sachant qu’elle a quasiment le rôle principal et qu’elle est tout simplement magistrale. Enfin, Bryce Dallas Howard, potiche de service vue en robes bien moulantes, entre autres dans « Spiderman 3 », est également au générique, en deuxième position. Et pour une fois, on comprend qu’elle soit actrice, non pas simplement parce qu’elle bénéficie des laissez-passer de son père réalisateur (Ron Howard - « Da Vinci Code »), mais parce qu’elle sait jouer, et endosse à merveille son rôle de harpie raciste. En dépit des aberrations marketings qui dépendent des modes du moment, chaque actrice a son rôle dans cette très belle histoire.

« Le combat contre le racisme, ça ne date pas un peu ? », me direz vous ? Oui, et non, à chacun de voir. Il y a des combats vieux comme le monde, et celui-ci, tout comme celui contre la peine de mort par exemple, n’est toujours pas périmé puisqu’il y existe toujours du racisme au quotidien (au même titre que la peine de mort existe encore aux Etats-Unis). C’est en tout cas ce qu’a du penser l’auteur pour nous faire partager ce sujet, les gens qui l’ont lu en masse aux Etats-Unis, et ceux qui ont fait de même en France. Le réalisateur Tate Taylor nous narre donc les déboires de ces bonnes qui tentent de se confier à cette écrivaine en herbe. La trame est un peu usitée : d’abord réfractaires, elles vont finir par copieusement se lâcher, encouragées par leurs ennuis quotidiens souvent assez sérieux. On n’aurait en effet pas pu imaginer que la politesse de façade de la bonne société de l’époque puisse laisser passer autant de malveillance et de valeurs nauséabondes.

Les actrices soutiennent toutes magnifiquement leurs personnages dans des camps assez bien définis. La direction d’acteurs, toute en sobriété, est magnifique, même si on aurait aimé que la réalisation de Tate Taylor soit un peu moins coincée et académique. Il accomplit un travail qu'on pourrait qualifier de « bien sage » et satisfaisant, mais le propos du film étant assez osé, il n’aurait pas été désagréable qu’il se lâche un peu plus. Steven Spielberg avait réalisé fut un temps un film sur le même sujet, mais avec un angle d’attaque totalement différent, « La Couleur pourpre ». Ce fut un chef d’œuvre. Tate Taylor ne passe pas ici à côté de son sujet, mais le traite un peu trop poliment.

Plutôt que de trop en faire, mieux vaut opter comme il le fait pour la sobriété. Il fait en sorte que son film ne soit pas ce que le titre et l’affiche nous mettent en position d’attendre de lui : faire pleurer dans les chaumières avec des sentiments dégoulinants sur un propos entendu. Mais à l’inverse, Taylor ne lui insuffle pas cet éclat et cette aura qu’avait « La Couleur pourpre », et nul ne sait s’il sera encore dans notre mémoire dans 10 ans.

Ivan ChaslotEnvoyer un message au rédacteur

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