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CARMEN

Un film de Benjamin Millepied

Le cinéma est un oiseau rebelle

Alors qu’elle pensait avoir réussi à traverser la frontière, une jeune mexicaine croise la route d’une patrouille américaine. Aidan, un ancien marine, décide de tuer l’un des siens pour la sauver. Liés désormais à jamais, ils n’ont d’autre choix que de fuir ensemble…

Carmen film movie

C’est peut-être à force de discuter cinéma avec sa conjointe, l’actrice Natalie Portman, que le danseur et chorégraphe à succès Benjamin Millepied a ressenti l’envie de passer derrière une caméra. Pour sa première réalisation, l’ancien directeur de la danse de l’Opéra de Paris a choisi de réadapter une œuvre ô combien célèbre : Carmen. Parachutant l’intrigue à notre époque, du côté des États-Unis, le film s’intéresse donc à une certaine Carmen, mexicaine qui fantasme la liberté qui règne au-delà de ce mur qui sépare les deux États. Alors qu’elle pensait avoir fait le plus dur en franchissant la frontière, elle tombe sur une patrouille américaine bien décidée à lui régler son sort à coups de poings ou de balles. Mais dans cette milice, se trouvait Aidan, un ancien marine pour qui le rôle des militaires n’est pas de pourchasser des gens cherchant un avenir meilleur. Sans hésiter, il tue un de ses camarades pour protéger la jeune femme. L’irréparable ayant été commis, ils vont devoir fuir ensemble.

Si on ne peut pas reprocher au néo-cinéaste de parfaitement maîtriser le travail de Bizet, on peut toutefois nettement plus se questionner sur ses choix esthétiques et narratifs. En voulant mêler le road movie au thriller, la romance au racisme et au syndrome post-traumatique, le tout en saupoudrant les différentes séquences de numéros de danse souvent sortis de nulle part, il est bien difficile de s’y retrouver et ne pas trouver le résultat complètement indigeste. Au-delà de ce scénario nébuleux, le principal écueil vient du rendu visuel, chaque plan ayant été stylisé façon clip tape-à-l’œil dont le symbolisme frôle à plusieurs reprises le ridicule. Digne d’une mauvaise publicité, cette surenchère d’effets annihile entièrement la portée de cette romance passionnelle, au point de transformer la tragédie iconique en un vulgaire récit ampoulé.

Dans ce désert poussiéreux et le Los Angeles interlope, les deux comédiens semblent perdus, ne sachant pas sur quel pied danser. Drôle d’ironie. Si leur talent est indéniable (Paul Mescal étant l’acteur qui monte depuis le sublime "Aftersun"), ceux-ci n’arriveront jamais à sauver une dramaturgie plombée par son artificialité et son mauvais goût. Ce qui est encore plus triste, c’est que Benjamin Millepied est notamment réputé pour l’inventivité de ses différents spectacles. En changeant de moyen d’expression, l’artiste s’est totalement égaré, écrasé par un medium cinématographique aux multiples possibilités, à peine effleurées en l’espèce. Si l’on grattait cette épaisse couche de vernis coloré, on découvrirait probablement du cœur et de l’énergie. Mais les spectateurs devront se contenter d’un spot publicitaire criard et tapageur…

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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