Bannière Reflets du cinéma Ibérique et latino américain 2024

BRONX

Un film de Olivier Marchal

Les couilles sans le cerveau

À la suite d’une tuerie orchestrée par le clan Bastiani dans les quartiers nord de Marseille, la brigade antigang et la BRB deviennent rivaux en plaçant chacun un flic sur cette affaire. L’équipe du flic de l’antigang Richard Vronski va se retrouver contrainte de faire des choix risqués quand l’affaire, compliquée par l’assassinat d’un témoin-clé, va rapidement dégénérer…

Sortie le 30 octobre 2020 sur Netflix

On l’imaginait (non, on l’espérait) de plus en plus proche de la date de péremption, mais force est de constater que le cinéma d’Olivier Marchal continue de faire main basse (et recette) sur le polar hexagonal. Rappelons qu’il y a presque deux décennies, au moment de la sortie de "36 quai des Orfèvres", beaucoup voyaient dans cet ancien flic le nouvel espoir du genre, alors fragilisé par tant de conformisme télévisuel et rabaissé par une vision consensuelle du travail de flic. Aujourd’hui, après tant de mauvais services rendus, non seulement Marchal est devenu une marque de fabrique, non seulement les codes du polar qu’il aime frisent le cliché mal dégrossi, mais on en arriverait carrément à regretter la vieille époque de "Maigret" et de "Julie Lescaut". En série comme en film, la formule marchalienne ne varie pas d’un iota : des flics transformés en justiciers nihilistes mal rasés, une institution pourrie de l’intérieur par d’immondes bureaucrates carburant au rictus facile, de la violence gratuite qui parasite chaque début de confrontation, des dialogues qui sonnent comme de l’argot de pacotille quand ils ne résument pas à des insultes, un manichéisme primaire qui laisse la nuance à l’état de détritus pataugeant dans le caniveau, la photo délavée parce-que-la-vie-c’est-de-la-merde-hein-tu-comprends, les hommes avec les couilles à la place du cerveau (une réplique de "Bronx" en fait d’ailleurs la démonstration : « Vous êtes de vrais hommes : grosses couilles et petit cerveau »), les femmes systématiquement objetisées ou violentées, on en passe et des meilleures…

Vu que Marchal n’enlève rien à cette liste bouseuse, est-ce que "Bronx" peut au moins apporter un truc positif ? Non. Tout y est. Le cadre de la cité phocéenne a beau donner lieu à quelques plans solaires, ils sont systématiquement tâchés de violence et animés par des rapports de force encore plus sommaires que dans les recoins les moins reluisants de la filmo de Chuck Norris. Le casting a beau faire rejaillir quelques visages un peu oubliés (surtout Stanislas Merhar, aujourd’hui trop rare), il ne fait que se soumettre à la vision d’un cinéaste qui, film après film, continue de démontrer à quel point sa perte de confiance en l’humanité (réécoutez le début de son commentaire audio sur "MR 73") a dérivé vers le nihilisme bas de plafond. Heureusement que le polar français a eu de belles exceptions à offrir entre-temps, du "Petit Lieutenant" de Xavier Beauvois au magnifique "Une nuit" de Philippe Lefebvre. De notre côté, on va continuer à picorer sur cet hectare-là du polar hexagonal, parce que certains continuent d’y faire pousser de la richesse et de la nuance. Sur son hectare à lui, Marchal continue de creuser alors qu’il avait déjà touché le fond depuis longtemps. Laissons-le faire.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

BANDE ANNONCE

Laisser un commentaire