BLACK SNAKE MOAN

Un film de Craig Brewer

Sex n’ Blues

Dans une bourgade ennuyeuse du Tennessee, un ancien bluesman fraîchement plaqué par sa femme découvre un matin, près de sa maison, le corps à moitié nu d’une jeune femme, Rae, laissée pour morte au milieu de la route. Il va dès lors essayer de la sauver de son mal être et, au passage, reprendre goût à la musique…

Quelques minutes suffisent à Craig Brewer (« Hustle & Flow », déjà produit par John Singleton) pour donner du corps à ses héros, pour tracer les grands contours de leur personnalité, avec la caméra comme pinceau. Deux caractères irascibles qui s’entrechoquent : Lazarus, paysan bourru mais génie du blues désabusé par le départ de sa femme ; et Rae, joyeusement considérée comme la traînée du village, s’offrant nonchalamment à tout mâle pour assouvir son mal viscéral. C’est ce que Lazarus appelle le « serpent noir », angoisse traumatique qui se tortille dans les entrailles de l’âme humaine – il connaît bien ça, lui qui doit combattre ses propres démons. Alors pour soigner la jeune pécheresse, il l’attache au radiateur à l’aide d’une épaisse chaîne et lui joue quelques morceaux à la guitare. Rédemption ne rime-t-il pas avec chanson ?

De cette lutte initiale entre deux personnages que tout oppose, découlent naturellement quelques belles idées de mise en scène – principalement liées à l’atmosphère de ce lieu séculaire (bled paumé à forte teneur en poussière), à la trivialité de protagonistes hauts en couleurs, et à de très belles partitions musicales enjouées, avec un Samuel Jackson en plein blues nostalgique. Avec, à la clé, une superbe séquence de fin tout en naïveté. Mais Brewer ne parvient jamais à tirer ces qualités vers le haut, échouant à construire une œuvre vraiment attachante, même si sa démarche, honnête au possible, illumine les paysages cendreux de son cadre. Épuisé par les longueurs du film, le spectateur, tel le serpent, finit par se tortiller dans tous les sens, pressé de retrouver son antre.

Eric NuevoEnvoyer un message au rédacteur

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