AQUARIUS

Une oeuvre solaire et viscérale portée par Sonia Braga

Clara, une veuve de 65 ans, vit dans l'immeuble Aquarius, construit dans les années 40, sur la très huppée Avenida Boa Viagem en front de mer. Elle possède le dernier appartement qui n'ait pas été acheté par un promoteur. Peu à peu, le harcèlement commence pour la contraindre à vendre...

Reparti bredouille du Festival de Cannes 2016 où il était présenté en compétition, "Aquarius" est avant tout un portrait de femme combative, bien décidée à poursuivre sa vie dans l'appartement qui a vu ses meilleures années. Il faut dire que d'emblée, dès le premier chapitre, Clara nous est présentée comme une survivante (elle a eu un cancer du sein), que rien ou presque ne parvient à déstabiliser, pas même un amant lâche et fuyant ou des enfants pas si compréhensifs face à son entêtement.

En trois chapitres, le Brésilien Kleber Mendonça Filho, auteur de "Les Bruits de Recife", nous livre une chronique éclairée, aux élans sociaux et politiques. Une œuvre solaire et viscérale qui peu à peu se transforme en pamphlet politique, exposant la situation inextricable dans laquelle se trouve la société brésilienne. Car les magouilles et autres coups bas racontés ici ne sont que le reflet de processus de plus grande ampleur en marche dans le pays. Intelligent, le récit profite ainsi d'une balade sur la plage pour suggérer la ségrégation entre riches et pauvres. Plus globalement, le scénario dénonce les liens étroits entre cercles familiaux et professionnels, le favoritisme, l'argent roi et le faux respect invoqué comme façade aux plus méprisables coups bas.

Récit fleuve de 2h42, le film bénéficie d'une lumière somptueuse et de cadrages impeccables, suggérant l'harmonie et le calme recherchés par l'héroïne. Sonia Braga livre ici un numéro de haut vol, alternant tendresse et sévérité envers les siens, souffrance à peine perceptible et force de façade, ainsi que colère feinte et fulgurantes saillies verbales envers ses hypocrites ennemis. C'est à sa stature que l'on doit l'intensité des scènes de confrontation avec ses persécuteurs, son personnage optant pour une dignité revendiquée face aux menaces et manœuvres en tous genres. Un film redoutablement efficace.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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