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AMELIA'S CHILDREN

Un film de Gabriel Abrantes

Il fait bon vivre au Portugal !

Edward fête ses 31 ans en compagnie de sa petite amie, Riley. Malheureusement pour lui, il ne connaît ni sa vraie date d’anniversaire ni ses parents biologiques. Après de nombreuses tentatives infructueuses, Edward se voit offrir un cadeau très spécial de la part de sa compagne. Il va lui permettre de retrouver ce qui lui reste de famille et ça tombe bien, visiblement il lui reste une mère et un frère jumeau situés au Portugal et dont il ne connaît rien. Alors qu’ils décident d’y passer quelques jours, Riley sent que quelque chose se trame…

Après une série de courts métrages remarqués et une première incursion dans le long métrage avec "Diamantino" en 2018, Gabriel Abrantes nous présente en cette 31ème édition du festival du film fantastique de Gérardmer son dernier né : "Amelia’s Children". On retrouve l’acteur Carloto Cotta, tête d’affiche sur son précédent film, incarnant ici le personnage d’Edward à la recherche de sa famille biologique. Le metteur en scène partage plusieurs points communs avec ce personnage, comme son origine américaine ainsi que portugaise, qui mettent en lumière le côté personnel du métrage : pas étonnant de le retrouver seul à l’écriture donc.

Edward va devoir quitter son New York confortable pour se rendre au milieu de la forêt portugaise et rencontrer un frère jumeau et une maman qui a un peu trop abusé du bistouri. On remarque alors l’ambition du film qui se fait grande et généreuse, avec notamment une introduction hitchcockienne avec ce long plan aérien qui passe par delà une colline, révélant une demeure aux airs de palace. On peut y décerner une musique qui s’échappe des fenêtres. Le jeune cinéaste montre qu’il connaît la mise en scène : on passe du général à l’individu, du monde dans sa globalité vers l’intime, en attirant le regard sur cette famille. Dans la forme, le film fourmille de cette volonté d’ampleur : des décors immenses et démesurés, avec cette maison proche du palace, des maquillages (que ce soit les litrons d’hémoglobines ou les acteurs grimés), l'esthétique léchée et brute à certains moments qui montre bien cet endroit en apparence proche d’un Eden alors que ce n’est qu’un Enfer parmi d’autre.

L’acteur Carloto Cotta incarne pas moins de trois personnages à l’écran, souvent dans le même espace. On en est venu à se demander si l’équipe n’avait pas mis le doigt sur des jumeaux acteurs de talents ! Intense aussi est la découverte également de cette mère coquette mais ravagée par la chirurgie esthétique (incarnée par la trop rare Anabela Moreira, dérangeante à souhait) : entre la qualité des prothèses et le malaise que ce visage difforme mais souriant impose à notre psyché, c’est parfois au bord de l’insoutenable. Évidemment que certains se moqueront lorsqu’ils la verront, mais la volonté du metteur en scène est avant tout de nous rendre empathiques face à cette vieille dame, elle qui n’arrive pas à se résoudre à vieillir, entourée d’une société qui ne le tolère pas, surtout si l’on est une femme. Aux premiers abords, ce duo mère-fils n’inspire pas la crainte. Certes ils ont l’air de vivre sur une autre planète, mais la mise en scène nous induit intentionnellement dans cette direction, pour mieux tout mettre ensuite dans un chaudron rempli de chaos et de cauchemars.

On peut remercier Riley (incarnée avec conviction par Brigitte Lundy-Paine) qui, avec son sixième sens, sent l’anguille sous roche. Car passée l’idylle des débuts, les craquelures se font de plus en plus visibles jusqu’à éclater dans un climax qui nous prend à la gorge, crispé sur notre siège, sans trop savoir comment tout ça va bien pouvoir finir. Et si nous allons faire l’effort de ne rien révéler de l’intrigue sur sa deuxième partie pour ne pas vous gâcher les multiples surprises, on peut vous dire sans détour que le film est, malgré certains lieux communs (on remplace le pompiste redneck qui avertit la bande de jeunes du mal qui rôde par un vieux couple vendeur de légumes frais), d’une efficacité folle et regorge de détails stimulants. Comme avec ce fameux tableau de Goya où mère et fils sont représentés : le film nous dira plus tard qu’il ne représente pas ce que l’on voyait vraiment, et alors notre imagination turbine. Comme quand l’histoire nous emmène dans des dédales souterrains : on connaît la situation, mais on ne sait pas à quoi s’attendre.

La grande force du métrage est de nous donner cette sensation de terrain familier, tout en allant là où on ne s’y attend pas forcément. Il sait jouer sur de vrais moments de plénitudes en injectant du malaise petit à petit, jusqu'à ce que la gêne soit trop grande et que l’on découvre les ignobles vérités. Un film également affaire de sensation, car la bande originale composée par non moins que Gabriel Abrantes lui-même, renforce le crescendo d’horreurs vues et subies avec ses percussions et sons dissonants.

Nous aurions également pu parler des saillies de violence qui se font de plus en plus fréquentes ou encore de sa manière d’introduire du fantastique sans venir parasiter notre immersion et la trajectoire lancée. Mais cette critique doit prendre fin. On ne peut que vous conseiller de vous ruer dans les salles obscures le 31 janvier pour découvrir cette jolie surprise. « Jolie » n’étant peut-être pas le mot approprié.

Germain BrévotEnvoyer un message au rédacteur

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