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ADIEU MONSIEUR HAFFMANN

Un film de Fred Cavayé

L’entraide face au désir de revanche sur la vie

Paris, 1941. François Mercier, employé besogneux mais n’ayant pas le talent de son patron, le bijoutier juif Monsieur Haffmann, assiste au départ précipité de la famille de ce dernier pour la zone libre. Resté derrière, Monsieur Haffmann lui propose de lui vendre son magasin, le temps que les choses se tassent, et afin de pouvoir le lui racheter, à son retour après la guerre. Mais bloqué à la gare, celui-ci fait demi-tour et se cache à la cave, alors que les arrestations de juifs étrangers commencent…

Adieu Monsieur Haffmann film movie

C’est au Festival de Sarlat qu’a eu lieu la première de "Adieu Monsieur Haffmann", nouveau film de Fred Cavayé, déjà venu par le passé pour présenter sur place "Pour elle", son premier long, et "À bout portant". Bien lui en a pris, puisque son film a été le grand gagnant de la compétition de films français, et est reparti à la fois avec le Prix du meilleur film (la Salamandre d'or, ou prix du public), mais aussi le Prix d’interprétation féminine pour Sara Giraudeau. Daniel Auteuil y interprète un bijoutier juif de talent, contraint sous l’occupation d’envoyer sa famille en zone libre et de vendre son magasin à son assistant, interprété par Gilles Lellouche, à condition que celui-ci le lui revende à son retour une fois la guerre terminée.

C’est du coup initialement autour des tensions entre ce duo d’interprètes masculins que se construisent la plupart des scènes du film, avec un basculement progressif du « pouvoir » (l’inversion des rôles du patron et de l’employé...), la tentation des compromissions avec les Allemands, la peur de toute forme d’autorité, mais aussi les arrangements intimes avec la réalité du comportement de chacun. Gilles Lellouche, rarement aussi convainquant, compose ainsi un homme au départ pénalisé (il ne peut avoir d’enfant, le premier plan, au raz du sol, montre aussi ses problèmes moteurs…) qui voit là une perspective de revanche sur la vie et commence à se confondre avec le rôle qui lui a été attribué. Face à lui, Daniel Auteuil reste dans une juste mesure, mais c’est surtout Sara Giraudeau qui prend une véritable ampleur au fil du métrage. Son interprétation du personnage de la femme l’assistant, d’abord observatrice méfiante puis témoin « moral » de l’évolution de son mari, dispose d’une véritable évolution d’où rejaillit un mélange de compassion et de doutes.

Sur le fond, le scénario de "Adieu Monsieur Haffmann", adapté de la pièce homonyme de Jean-Philippe Daguerre (4 Molières en 2018), scrute la sombre réalité des rapports humains sous l’occupation. Il fait le portrait d’un homme lambda, dont les ambitions se retrouvent transformées par sa nouvelle situation. Une histoire sordide, servie par une belle reconstitution, qui met en évidence la relation de chacun des personnages à la peur, au courage, à l’autorité, mais aussi à la morale et la tentation de l’exploitation de l’autre. Comme sa bande annonce en dit réellement trop, on vous conseillera du coup de ne pas la regarder avant d’aller découvrir ce long métrage qu’on devrait sans doute retrouver dans nombre de catégories aux prochains César.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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