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Cinéma

Festival de Berlin 2010 - Jour 2: Polanski absent mais toujours efficace

13 février 2010

Vendredi 12 février 2010

Deuxième jour de Festival, et la neige tombe de plus belle, alors que les festivaliers se pressent dès 7h30 du matin dans le froid, espérant décrocher quelques places pour les films de la compétition du lendemain, dont fait partie le très attendu Scorcese. Côté presse, nous faisons la queue à l'abri du froid, au comptoir dans les couloirs de l'hôtel Grand Hyatt, et l'organisation est toujours aussi bien rodée, chacun disposant d'une liste, par salle, des films auxquels il a accès le lendemain et pour lesquels il lui faut retirer une invitation. Le week-end s'annonce chargé avec de nombreux films américains, ceci dès 8h30 ce matin.

HOWL
de Rob Epstein et Jeffrey Friedman
avec James Franco, John Hamm, David Strathairn, Marie Louise Parker, Jeff Daniels...
Vu le vendredi 12 février à 8h30
Compétition (+2)

Dans "Howl", le récit est volontairement éclaté en quatre fils parallèles: la première lecture du poème en question, en 1955, sur fond noir et blanc, une interview reconstituée de Allen Ginsberg, face caméra, une illustration animée du poème lui-même, ainsi qu'un ensemble d'interrogatoires ahurissants lors du procès de 1957 contre l'éditeur, pour obscénité. Il a toujours été particulièrement difficile d'aborder la poésie au cinéma, preuve en est la récente déception autour du "Bright star" de Jane Campion, dont les rares scènes magiques ne sont pas celles qui évoquent la poésie elle-même. Les réalisateurs de "The celluloid closet" délaissent donc partiellement le documentaire pour nous offrir un plaidoyer pour la franchise, l'honnêteté envers soi-même et les autres. S'ils en profitent au passage pour évoquer la ville tentaculaire, le système en opposition à l'expression, et la volonté de contrôle de la part des bien-pensants, ce n'est que pour le plaisir d'un spectateur conquis.

THE GHOST WRITER
de Roman Polanski
avec Pierce Brosnan, Ewan McGreggor, Olivia Williams, Kim Cattrall, Timothy Hutton, Tom Wilkinson...
Vu le vendredi 12 février à 11h15
Compétition (+3)

Roman Polanski fait office de fantôme, dont l'ombre plane aujourd'hui sur le festival, l'auteur du "Pianiste" étant toujours en résidence surveillée en Suisse, attendant son extradition pour les Etats-Unis. Son nouveau film a étrangement des résonnances avec l'actualité, non pas avec son histoire personnelle, mais concernant celle de Tony Blair, mis en cause sur les motivations de la guerre en Irak. Ewan McGreggor y interprète un nègre littéraire, amené à remplacer celui qui écrivait les mémoire de l'ex-premier ministre de Grande Bretagne. Son prédecesseur ayant été retrouvé noyé, par accident, il doit faire ses preuve auprès d'une étrange famille, qui vit isolée sur une île américaine. Polanski excelle dans la mise en image du roman de Robert Harris, avec qui il avait écrit "Pompei", plongeant le spectateur dans un univers noir rappellant certains Hitchock, de par l'isolement progressif du personnage principal, gagné par une légitime paranoïa. Cynique et maculé d'un humour noir "so-british", "The ghost writer" devrait sans problème trouver son public.

Conférence de presse "The Ghost Writer"
2 questions à Ewan Mc Greggor, Pierce Brosnan, Olivia Williams, Robert Harris, Alexandre Desplats, Robert Benmusa, Alain Sarde et Charlie Woebiken
acteurs, actrice, scénariste-auteur du livre, compositeur et producteurs du film

Journaliste:
Comment avez-vous pu finir ce film sans Roman Polanski ?

Robert Benmusa:
Ca n'est ni le lieu ni le moment pour commenter la situation de Roman. Mais ne pas l'avoir au centre du podium avec nous, est très étrange pout tous... Le tournage s'est terminé à la fin du mois d'avril. Puis de mai à août, le monteur et Roman ont travaillé sur le monatge, et il était déjà prévu de le montrer ici, à Berlin en février. A la fin du mois d'août nous disposions d'un "rough-cut"... ce qui pour beaucoup de réalisateurs aurait été un final-cut. Cependant pour Roman ce n'était pas le cas. Quand il a été arrêté fin sept, le film était donc presque fini. Et malgré son incarcération, il a continué à travailler au travers de courriers et paquets, puis depuis son chalet... Il a réussi à mettre les dernières retouches pour ontenir la copie finale.

Journaliste:
Il y a dans le film une atmosphère surréaliste et paranoaïque... Quelles indications Roman Polanski vous a-t-il donné sur vos personnages ?

Pierce Brosnan:
J'avais lu le livre et le scénario, quand j'ai rencontré Polanski. Je lui ai demandé si je devais la jouer Tony Blair. Il a dit: "non, oublie cela... joue simplement". Du coup, j'étais libéré, je n'ai pas eu à incarner Tony Blair... mais quand je regarde ses propres performance, il y a du Shakespearien là dedans. C'est un peu un homme politique qui joue la comédie. Quant à mon personnage, il a commencé comme acteur et est devenu premier ministre. Et moi, je suis un peu dans ce cercle là... puisque je joue ce premier ministre en tant qu'acteur.

Olivia Williams:
J'ai écri un mail à Roman concernant sa vision de mon personnage. Il m'a répondu par un nombre incroyable de qualificatifs et d'adjectifs, parmi lesquels "cynique", "mais pourtant amoureuse de son mari"...

MY NAME IS KHAN
de Karan Johar
avec Shah Rhuk Khan, Katie A. Jeane, John Abrahim...
Vu le vendredi 12 février à 15h00
Hors compétition (-1)

Shah Rhuk Khan véritable déité en son pays, fait à nouveau un détour par Berlin pour le lancement de son nouveau film, sorte de "Rain Man" au pays de l'Amérique post-11 septembre. Le film démarre comme un thriller, avec une scène située dans l'aéroport de San Francisco, le héros, Rizu, atteint du syndrôme d'Asperger, se faisait rudement fouiller et interroger à la douane. Puis le récit alternera entre l'enfance du personnage, son installation et sa vie aux USA, et les mois durant lesquels il suivra les déplacements du président pour lui délivrer son message: "je ne suis pas un terroriste". Entre l'enfance et les lourds messages sur l'égalité musulmans-hindous, la mièvrerie de la première partie avec la drague insistante auprès d'une charmante coiffeuse et la confrontation du couple à leur entourage raciste, même les fans de Bollywood n'y trouveront pas leur compte. Si certains gags fonctionnent, les parties dansées et chantées sont absentes. Ne restent alors que les gros sabots.

EL MAL AJENO
de Oskar Santos
avec Eduardo Noriega, Belén Rueda, Angie Cepeda, Cristina Plazas, Clara Lago...
Vu le vendredi 12 février à 21h30
Panorama Spécial (+2)

Un médecin spécialisé dans le traitement de la douleur, se fait tirer dessus par l'amant d'une de ses patientes, sur le point de mourir alors qu'elle n'en est qu'à 7 mois de grossesse. Le point de départ est simple, clinique, mais comme nous sommes dans un film espagnol, le tout flirte avec le fantastique, le médecin se réveillant sans une égratignure et semblant posséder d'étranges pouvoirs. Tout en suggestion, le nouveau film d'Edouardo Noriega ("Novo", "La méthode") séduit par son ambiance pesante, entre malades en phase terminale et couple en perdition, et sa capacité à tirer de cela une certaine forme d'humour, pas très délicat mais efficace (ah les fouilles anales en famille, les piercing infectés, les jambes artificielles avec lesquelles on peut à nouveau écraser sa cigarette...), permettant d'aborder souffrance et maladie de manière frontale et pour ainsi dire, non aseptisée. Les médecins insensibles et distants n'ont qu'à bien se tenir.

Egalement présenté aujourd'hui:

EL RECUENTO DE LOS DAÑOS
(The counting of the damages)
de Inés de Oliveira Cézar
Vu le jeudi 11 février à 17h15
Forum (+2)

Située en Argentine, l'intrigue de ce film clinique et intimiste, s'offre un point de départ dramatique: un accident de voiture, provoqué sans intention, par un jeune automobiliste qu'un pneu crevé a contraint à laisser sa voiture sur le bord de la route, de nuit. Le récit est découpé en 8 chapitres, correspondant au décompte des conséquences dommageables de l'accident, sur la vie de plusieurs personnages. Ce principe peut apparaître quelque peu superficiel, mais la tension distillée par une caméra toujours en retrait, suivant avec retard, dans des mouvements précis et réguliers, des protagonistes bien vivants, en est encore renforcée. Bien entendu, certaines coincidences, faisant progressivement virer le récit au mystique, paraissent un peu excessives, mais la douleur comme le besoin d'une certaine cohésion familiale, en réaction à un monde du travail devenu rude et abstrait, sont bien là.

Olivier Bachelard Envoyer un message au rédacteur