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INTERVIEW

MOI, TOI ET TOUS LES AUTRES

C’est dans un salon du 4 ème étage de l’Hôtel Royal de Deauville, que l’attachée de presse de MK2 nous convie à rentrer. Seule, dos au mur, Miranda July nous accueille avec un sourire timide et un regard empli de curiosité, alors que nous nous asseyons autour d’une tableau basse, le tr…

© Olivier BACHELARD

C’est dans un salon du 4 ème étage de l’Hôtel Royal de Deauville, que l’attachée de presse de MK2 nous convie à rentrer. Seule, dos au mur, Miranda July nous accueille avec un sourire timide et un regard empli de curiosité, alors que nous nous asseyons autour d’une tableau basse, le traducteur du distributeur et moi-même. Nous disposons d’une vingtaine de minutes pour évoquer son curieux et réjouissant premier film, « Moi, toi et tous les autres », caméra d’or à Cannes et présenté ici dans la section panorama.

Journaliste :
Votre film traite des difficultés de communication entre les gens. Diriez-vous que la très belle scène où vous filmez vous même vos chaussures, avec l’inscription « me » sur l’une, et « you » sur l’autre, résume votre point de vue sur ces relations, et le film en générale ?

Miranda July :
Quand vous dites cela, je me souviens que nous avons fait un tournage de scènes supplémentaire (re-shoot), comme dans la plupart des films. Cette scène a fait partie de celles tournées après le montage. Alors que je montais le film chez moi, j’étais frustrée par certains résultats. Je suis allée dans ma chambre, me suis assise sur le lit. J’ai pris une paire de chaussures, ai écrit « me », « you », les ai fait bouger, puis j’ai filmé mon visage. Et j’étais tellement imprégnée inconsciemment par mon histoire, que ce que j’avais fait dans ce plan, avec mes pieds, et leur mouvement, correspondait exactement au sens du film. On a refait cela en re-shoot.

Journaliste :
Est-ce qu’internet est toujours une source d’incompréhension entre les gens, ou de fausses attentes ?

Miranda July :
Je ne suis pas si intéressée par l’internet en soi. Je le trouve utile, car cela renvoi le désir d’être ensemble, utile pour tendre la main. Et c’est là le sujet du film. Mes deux personnages principaux sont prêts à vivre des choses. Elle, est simplement un peu coincée dans son univers imaginaire. Elle s’empêche d’avancer dans la vie, en s’imaginant des choses, comme le fait qu’il soit encore avec sa femme. Au fond, tous deux sont très différents et en même temps se ressemblent beaucoup.

Journaliste :
Comment avez-vous choisi le jeune acteur qui invente le « popo ping pong » ? D’où l’idée de ce concept vient elle ?

Miranda July :
Il a été l’un des tous premiers gamins à passer l’audition. Il était très jeune à l’époque, il devait avoir 5 ans. Mais l’évidence a fait que j’ai vraiment insisté pour qu’il puisse s’investir, malgré les difficultés pour tourner à un tel âge.

Je voulais ensuite trouver un moyen d’exprimer la sexualité des petits enfants. Il me fallait pour cela trouver son propre langage. Il est difficile de trouver les bons mots, le bon espace pour cela, sans suggérer que les enfants provoquent la sexualité, mais en exprimant qu’ils ont la leur. Car les gens s’inquiètent beaucoup en ce qui concerne ce sujet. C’est cette peur qui crée de la honte et est finalement source de nombre de perversions.

Journaliste :
Vous vous moquez dans votre film de l’art moderne, ou tout au moins des gens qui décident ce qui est de l’art ou pas (avec le papier de hamburger sur le sol, la scène de sélection des photos, ou encore le logo de l’exposition). Cela provient-il de vos propres observations en tant qu’artiste qui avez vous même été exposée ?

Miranda July :
Les gens y voient plus une satire que moi-même. J’ai, il est vrai, un pied dans ce monde là, mais je ne lui appartient pas. Mais je suis sensible à la question de l’arbitraire. Je ne pense pas que le papier au sol ne soit pas de l’art. Ces rideaux dans cette pièce pourraient aussi en être. La discussion dans la galerie représente l’un des sujets dont j’ai souhaité parler dans la film : la façon que chacun à de regarder le monde.

Un autre sujet fondamental est cette impression généralisée que tout est digital, dans le monde actuel. Une sensation que personne ne fait plus de choses réelles, que rien n’est fait manuellement. J’ai mis de cela dans la scène de fin du film, qui est tirée d’un lointain souvenir personnel.

Journaliste :
Est-ce que vous pourriez nous parler du choix de la musique du film, qui rappelle des contes enfantins ?

Miranda July :
C’est Michael Andrews qui a composé la musique. Je l’avais découvert avec la bande son de Donnie Darko. Je lui ai simplement indiqué que je ne voulais pas d’instruments émotionnels, comme du violon, mais que je préférais des instruments plutôt froids, comme un clavier Casio. Cette musique est tellement une affaire de goût personnel. Je l’ai voulue comme cela, c’est en quelque sorte un peu ma propre voix.

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