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WHITE MATERIAL

Un film de Claire Denis

L'Afrique avec un A majuscule

Dans un village d'Afrique, la fille d'un propriétaire terrien blanc, tente de retenir ses derniers ouvriers qui, effrayés par la rébellion armée en cours, veulent quitter la plantation de café...

Claire Denis s'intéresse, avec "White material", à la place des blancs en Afrique, au travers du portrait d'une gérante de plantation de café (Isabelle Huppert, savamment dépassée dans son refus d'admettre la situation) qui se bat pour poursuivre son exploitation, alors que le fils du propriétaire est en train de la vendre. Imbroglio de personnalités influentes, enfants guerriers pas si inhumains que cela, milices militaires aux ordres d'on ne sait qui, personnel fuyant de potentielles violences... "White material" semble faire abstraction de l'humain pour ne stigmatiser que calcul et réactions de méfiance ou de survie.

La mise en scène, construite entièrement en flash-back autour d'un voyage en bus, retour à la propriété d'une Isabelle Huppert épuisée, distille une ambiance venimeuse, efficacement relayée par un musique lancinante faite principalement de guitare électrique. Le spectateur s'enfonce peu à peu dans ce monde foisonnant et pourtant vide, dont la chaleur accablante et l'ambiance menaçante sont formidablement rendues. L'homme blanc, même simple maillon d'une chaîne du commerce, aussi proche des locaux soit-il, a-t-il sa place dans ces pays sans avenir évident ?

Tout ce qui est du toc est ainsi désigné comme du "white material", de la matière blanche, comme ont pu l'être les promesses de leader blancs remplacés par des leaders noirs corrompus et incapables de donner une vraie indépendance à leur pays. Le film trouble, par sa construction éclatée, ses temporalités brouillées, et la formidable tension née d'un drame qui couve, et dont l'on peut apercevoir quelques dégâts dès le début du récit. Claire Denis donne à sentir le vent en train de tourner, et filme avec un regard acerbe, la peur, la fuite et la perte de racines. A découvrir absolument.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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