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W.E. - WALLACE ET EDOUARD

Un film de Madonna

Moins pour le destin de Wallis Simpson que pour le portrait de Wally

Citoyenne américaine, Wallis Warfield deviendra, après deux divorces, la Duchesse de Windsor, en épousant en 1937, le prince Edward. Pour pouvoir épouser celle-ci, ce dernier, devenu peu de temps avant le Roi George VIII, abdiqua en faveur de son frère George VI en décembre 1936. En 1998, à Manhattan, Wally Winthrop, préparant une vente aux enchères de certains objets ayant appartenu au fameux couple, se découvre des similitudes avec la vie de Wallis...

Après l'inégal « Obscénité et vertu », pour son second essai en tant que réalisatrice, Madonna nous entraîne dans un tourbillon de sensations, grâce à un double portrait de femmes, comportant quelques fulgurances mais plombé par quelques turpides finales pas très utiles. Troublant, son « W.E. », des initiales de Wallis Simpson et Edouard VIII (dont la contraction romantique signifie également « nous » en anglais), est avant tout l'histoire de deux femmes, entre les conventions des années 30 et aujourd'hui. La première, Wallis Simpson, devra sacrifier sa liberté dans une fuite avec un homme qui renonça à ses devoirs de futur roi. La seconde, Wally, est une jeune femme qui tente d'avoir un enfant malgré les réticences d'un mari souvent absent. Comme la réalisatrice le souligne elle-même, les spectateurs qui auront vu « Le discours d'un roi » auront déjà quelques bases concernant l'abdication d’Edouard VIII à la veille de la seconde guerre mondiale et sur le bannissement qui s'en est suivi.

Ce qui intéresse ici Madonna, c'est moins la dimension politique du récit que l'histoire intime. Elle traite ainsi davantage de l'approche entre la riche américaine et le futur roi (ceci sous les yeux d'un second mari peu à peu résigné...), montrant comment le prince va finalement l'utiliser pour sortir de sa prison de conventions, sans éviter d'en construire une nouvelle pour elle, de par l'exil impliqué par le renoncement au trône. Mais son film est surtout l'histoire de deux destins féminins entre amour et fuite de l'être aimé, jugé dangereux pour elles. Le film s'ouvre ainsi sur un parallèle qui sous-tendra toute l'intrigue, avec d'un côté Wallis à Shanghai en 1924, perdant l'enfant qu'elle portait après avoir été tabassée par son premier mari, et de l'autre Wally tentant de cacher à un mari peu coopérant qu'elle suit un programme de conception à base d'injections.

Au final, il se dégage de « W.E. » un charme indéniable, pour peu qu'on se laisse transporter dans les errances de la jeune femme d'aujourd'hui, devenant peu à peu obsédée par le personnage historique, dont elle imagine et interprète la vie, en référence à la sienne. Intelligemment menées, les transitions entre les deux époques se font au travers des vêtements et objets ayant appartenus à Wallis et exposés dans une célèbre maison de vente aux enchères. Dans ce lieu pourtant impersonnel, naîtra une séduisante et improbable idylle entre Wally et un vigile immigré, sorte de prince charmant venant à sa rescousse dans ses moments de faiblesse. La musique omniprésente, le découpage maîtrisé, permettent à la réalisatrice de composer une sorte de double ballet romantique, ponctué par quelques moments de pure grâce.

Finalement, on regrettera simplement que Madonna, servie par un casting impeccable, n'est pas su réellement terminer son film, rajoutant quelques 15 minutes superflues, certainement pour cause d'ambition historique. En nous imposant d'improbables recherches engagées par Wally (voyage soudain à Paris avec visite d'une suite d'hôtel où le couple aurait vécu et accès à sa correspondance intime soigneusement gardée par un collectionneur), la Madone fait perdre soudain la part de mystère sur les deux êtres qu'elle observait. Quoi qu'il en soit, son scénario aurait certainement gagné à rester dans la simple évocation du personnage historique, sans nous imposer des précisions qui gâchent un peu l'émotion, jusque-là mesurée. D'autant que les interrogations de la Wally d'aujourd'hui passionnent bien plus que le destin semi heureux de cette américaine ayant perdu de sa verve et de sa liberté auprès d'un noble anglais. Un destin qu'on a du mal à ne pas mettre en parallèle avec l'union de Madonna, l'américaine, et de Guy Ritchie, le réalisateur britannique.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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