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LES VIEUX CHATS

Comme chien et chat

Santiago du Chili, un matin comme tant d’autres : Enrique et Isadora , un couple de vieux retraités, sont réveillés par leurs deux chats affamés. Puis, alors qu’ils ne sont pas encore sortis du lit, le téléphone sonne. C’est la fille d’Isadora qui avertit de sa venue dans la journée, suite à son voyage au Pérou. Avec l’ascenseur qui vient de tomber en panne, ça fait deux mauvaises nouvelles pour le couple !…

Le cinéma chilien se porte bien, merci ! Le réalisateur de « La Nana » (Sebastián Silva) et son scénariste (Pedro Peirano), récompensés pour ce film par le prix du meilleur long-métrage étranger en 2009 à Sundance, se retrouvent pour un nouveau film, « Les Vieux chats », à la fois corrosif et drôle sur les histoires familiales, les liens du sang et le conflit entre générations.

Dans une première séquence qui présente les deux personnages à l’âge bien avancé, le spectateur ne peut que constater les dégâts de la vieillesse. Une hanche qui coince, des médicaments en pagaille dès le réveil, des amis sourds comme des pots et la tête qui commence à foutre le camp pour Isadora. Ses délires ne sont pas que curieux, ils sont surtout signe d’inquiétude, notamment quand elle commence à parler à des fantômes et à ne pas voir que l’eau du robinet inonde sa salle de bain. On se dit que son vieil appartement situé en haut d’une tour, surchargé de bibelots en tout genre et de vieux tableaux décolorés, ne devient plus qu'une prison dorée quand l’ascenseur tombe en panne, l’immobilisant complètement.

Alors, quand vient Rosario (la fille d’Isadora) avec le projet de la loger ailleurs, au rez-de-chaussée d’un autre logement, on se dit qu’en voilà une grande idée ! Sauf que non, ce sera le point de départ d’un combat entre chiens et chats, la mère et la fille ne se supportant plus depuis des années. La première accuse la seconde de vouloir la voler quand cette dernière assure ne lui vouloir que du bien… Évidemment, ni l’une ni l’autre ne dit vraiment la vérité ! Et le spectateur de les plaindre tour à tour, les réalisateurs ne s’embarrassant d’aucun manichéisme pour mieux les piquer à vif. On les déteste puis on s’apitoie sur leur sort. Et ce n’est pas parce qu’on a beau avoir de la sympathie pour les personnes âgées qu’on doit oublier qu’elles aussi peuvent avoir un passé émaillé d’erreurs de jeunesse !

Au fil du film, on apprend ainsi que la fille se confie souvent à un psy qui en a vite conclu qu’elle n’a eu aucune affection dans son adolescence… Bingo, la mère est tout bonnement incapable de se remémorer un souvenir tendre avec sa fillette ! Alors, comme elle n’a jamais eu le moindre signe d’amour, autant réclamer de l’argent ! Le « Carnage » version chilien est tout juste calmé grâce à deux personnages tampons : Enrique (mari d’Isadora et beau-père de Rosario) et Beatriz (qui se fait appeler Hugo, et qui est en fait la petite copine de Rosario). Ils mettent joyeusement la balle au centre quand ils ne coachent pas leur poulain !

Cette troupe de comédiens est parfaite. Bélgica Castro, qui pour le film a autorisé à ce qu’on tourne dans son vrai appartement avec ses vrais chats (et son vrai mari !), prête ses traits sévères à celle qui ronronne au début puis rugit à la fin. Claudia Celedón, aussi allergique aux chats qu’à sa mère, fait des étincelles en chatte qui sort aussi rapidement ses griffes que son rail de coke. Alejandro Sieveking, plus patte de velours, traîne avec bonheur sa nonchalance de gros matou et sa lucidité aiguisée. Quant à Catalina Saavedra, elle n'y va pas par quatre chemins et appelle un chat un chat ! Son rôle et sa performance vaut à elle seule le détour.

« Les Vieux chats » est donc ce genre de film dont on ne sait plus trop s’il appartient au registre de la comédie dramatique ou du drame teinté d’humour. Il bascule assurément d’un répertoire à l’autre et tient le spectateur en haleine l’amenant jusqu’à un épilogue en demi-teinte, avec cette question : bonheur ou pas bonheur ?

Mathieu PayanEnvoyer un message au rédacteur

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