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VALENTIN VALENTIN

Un film de Pascal Thomas
 

POUR : Cluedo déglingo

Valentin, séduisant jeune homme qui intrigue tous les habitants de son immeuble, est lui-même intrigué par une jeune femme chinoise habitant la maison d’en face et surnommée le lys tigré…

Pascal Thomas, pour faire simple, ce serait un peu le cousin caché d’Éric Rohmer, mais en beaucoup plus farfelu. Cinéaste inclassable à part entière, bel esprit dilettante (pour reprendre le titre d’un de ses meilleurs films) sur tous ses longs-métrages, il est surtout un auteur de comédies subtiles et décalées, qui évite le ripolinage des reconstitutions d’antan pour s’aventurer au contraire dans un réel peu à peu gagné par la fantaisie. Une sorte de monde désuet, quasi anachronique, où l’on prend sans cesse des chemins de travers, où l’on fait des rencontres assez barrées et où le burlesque s’injecte à loisir dans des décors de province. Cette fois-ci, après plusieurs excursions du côté d’Agatha Christie, le voilà de retour à Paris. Enfin, disons plutôt un Paris qui n’existe pas (plus ?), quartier peuplé d’une galerie de personnages résidant dans un immeuble où tout le monde est curieux de ce qui se passe chez le voisin. Avec, pour égayer tout ce cirque vaudevillesque, pas mal de gags visuels et un petit air de clarinette composé par Christian Morin, acteur fétiche du cinéaste.

L’épicentre du récit, c’est Valentin (Vincent Rottiers, à contre-emploi, enfin capable de sourire), un jeune homme qui fait fantasmer toutes les filles de l’immeuble. En particulier deux d’entre elles : une bourgeoise supra-nymphomane (Marie Gillain) et une étudiante timide (Marilou Berry). Autour d’eux, plein de monde : un cocu violent, une alcoolique timbrée, une marâtre diva, un jardinier pervers, un ancien militaire, une doctoresse dans la lune, une chanteuse-peintre, une vénus chinoise, etc… Galaxie de caractères divers sur lesquels nos yeux vont vite rester fixés. En effet, dès la scène d’ouverture, le cadavre de Valentin est retrouvé sous un pont. Qui l’a tué ? À vrai dire, on s’en fiche complètement. Le mystère de ce Cluedo déglingo trouvera certes une réponse (hélas prévisible), mais entre temps, le long flashback narratif auquel se résume le scénario se contente d’épier avec gourmandise la vie dans un petit quartier, avec tout ce que cela peut comporter de joies et de malheurs.

Pascal Thomas joue à fond la carte de l’humour décalé pour croquer sa galerie de portraits. Ce qu’il en ressort n’est ni plus ni moins qu’un art du laisser-aller, du dilettantisme, de la légèreté qui s’infuse par une série de surprises et d’imprévus. Tout comme Valentin et les autres tâchent de rester intacts et fidèles à leur route malgré les aléas du destin (voir les coups que le héros se prend tout au long de l’intrigue), le réalisateur fait de son récit un sentier imprévisible, que l’on emprunte les yeux bandés. Parfois, la surprise échoue – on aurait pu se passer de ces numéros chantés, franchement ridicules. Souvent, elle fait mouche, en particulier au travers de la fantaisie sexuelle (tout le monde rêve de se taper Valentin, d’où la répétition du prénom dans le titre) ou d’une légèreté tout à fait rohmérienne. Le vaudeville criminel n’est ici qu’un prétexte pour saisir l’existence de chacun dans ce qu’elle peut faire surgir de doux et de tragique. En l’état, ça se savoure sans arrière-pensée, et ça nous met les sourcils en accents circonflexes à chaque déviation de récit. De quoi redonner un minimum de folie, de joie et d’originalité à ce qui n’aurait pu être qu’un banal théâtre de boulevard.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

La scène d'introduction nous fait attendre une enquête policière puisqu'on y apprend d'entrée la mort d'un personnage central. On comprend rapidement que la discrète voisine asiatique qui intrigue Valentin aura quelque chose à voir avec ce cadavre. Mais fini le polar puisque qu'on va plutôt s'attarder sur les personnages secondaires, tous plus pittoresques les uns que les autres, et l'on comprend alors que le film est en fait une comédie. Mais une comédie qui ne déclenche aucun rire. Et non seulement on ne rit pas, mais quel malaise de voir François Morel et Géraldine Chaplin dans des rôles aussi embarrassants...

Prenez une belle brochette d'acteurs et mettez leur des étiquettes grossières sur le front. Nous avons l'artiste sans le sou, la voisine amoureuse, la maîtresse nympho, le mari jaloux, le jardinier pédophile, la vieille alcoolique, la mère qui plane... mais ce ne sont que des coquilles vides qui contribuent à renforcer le mystère autour de Valentin, ce beau et énigmatique jeune homme qui habite le même immeuble parisien. Vincent Rottiers, seul naufragé de ce grand n'importe quoi, électrise le film de sa présence, et c'est tout ce qu'on en retiendra.

Il est difficile d'imaginer être le seul à ne pas avoir aimé ce film, mais il se peut aussi que d'autres l'apprécieront. Les goûts et les couleurs. Me voici donc face à un dilemme et face à deux interrogations, à savoir comment un film pareil a pu voir le jour, ou qu'est-ce qui a pu m'échapper à sa vision pour en apprécier la composition. Et en même temps, il ne m'est pas possible de conseiller à quiconque d'aller le voir pour que chacun me donne son avis, ce ne serait pas rendre service. Je prends donc le parti de rester complètement dérouté par ce film, pour le moment...

Rémi GeoffroyEnvoyer un message au rédacteur

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