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UN PRINCE

Un film de Pierre Creton

Un trip halluciné et hallucinant

Pierre-Joseph n’a que 16 ans lorsqu’il intègre une formation pour devenir jardinier, où il rencontrera des personnes aussi importantes pour son parcours professionnel que pour son apprentissage sexuel. Quarante ans plus tard, il renoue contact avec l’enfant adoptif de son ancienne directrice, Kutta, dont il a toujours entendu parler. Devenu propriétaire d’un étrange château, celui-ci semble chercher bien plus qu’un jardinier…

Un Prince film movie

Il n’est jamais trop tard pour découvrir le Festival de Cannes ! Après vingt ans de sélections au FID de Marseille, Pierre Creton connaît pour la première fois les honneurs de la Croisette, avec un passage à la Quinzaine des Cinéastes. S’il a dû attendre si longtemps, c’est peut-être parce que le quinquagénaire fait figure de réalisateur à part dans le paysage hexagonal. Déjà, parce qu’il continue d’exercer le métier d’ouvrier agricole, mais surtout parce qu’il avance de films en films en dessous des radars du grand public et même de la majorité des cinéphiles, créant une œuvre obsédée par l’expérimentation formelle.

"Un Prince" ne déroge pas à la ligne de conduite fixée par son auteur. Le métrage nous raconte la légende de Kutta, un enfant adopté par une femme de la campagne, au cœur de la Normandie. Tout le monde parle de lui, mais on ne le découvrira qu’à l’âge adulte, dans une scène à la tonalité osée. Conte sans visage, cette comédie poétique est surtout le récit d’un éveil sexuel, de l’apprentissage d’un futur jardinier de ses propres désirs, portés plutôt sur les hommes d’âge mûr. Avec des interprétations vocales (Mathieu Almaric, Grégory Gadebois et Françoise Lebrun) qui diffèrent des incarnations à l’écran, le réalisateur nous balade de saynètes en saynètes dans un jardin d’Eden cryptique, où le réel n’obéit pas aux règles du vraisemblable.

Si ce passage par la Côte d’Azur offre au metteur en scène une lumière plus importante qu’à l’accoutumée, il est important de préciser que le film est à réserver aux initiés, au risque de trouver le temps très long. Exercice de style où les images et le son n’ont pas toujours de lien, invitant le spectateur à s’égarer dans un univers fantasmagorique, "Un Prince" est un voyage exigeant où il est facile de refuser le périple. Si ce terreau fertile à l’imagination ne réussit pas complètement à s’élever à la hauteur de ses ambitions, il n’en reste pas moins une expérience rare, que seul le Septième Art peut nous proposer, et constitue en tant que tel un geste de rébellion face à la standardisation des contenus audiovisuels. À vous d’oser franchir le pas de la salle !

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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