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TOKYO SHAKING

Un film de Olivier Peyon

Implosion(s) vs. Explosion(s)

Le 11 mars 2011, un violent tsunami ravage la côte Est du Japon, menaçant de détruire la centrale nucléaire de Fukushima. A mesure que cette dernière voit ses six réacteurs toujours plus menacés d’exploser, Alexandra, qui travaille pour une banque française à Tokyo, se retrouve forcée de composer entre plusieurs impératifs, certains liés à son travail, d’autres liés à sa vie privée…

Tokyo Shaking film movie

Voilà un film très singulier, pour ne pas dire très déroutant, sur lequel les mots nous manquent pour exprimer une opinion autant que pour définir la logique conceptuelle… Parce qu’il navigue entre plusieurs genres sans jamais essayer d’en choisir un (ce qui peut être un avantage) ni même de faire l’effort de les harmoniser dans la narration (ce qui peut devenir un problème). Parce qu’il maintient en haleine avec trois fois rien, sans pour autant présenter ne serait-ce que l’ombre d’un regard inspiré sur le monde de l’entreprise. Parce qu’il fait mine de jouer la carte du huis clos pressurisé pour finalement trop s’en écarter quand la situation semble l’exiger. En fait, "Tokyo Shaking" est à l’image du Tokyo qu’il filme : un chaos à ciel ouvert où les immeubles tanguent sans pour autant s’écrouler, où l’on est désorienté sans pour autant se mettre à paniquer (ou l’inverse), où l’on s’émeut des enjeux sans pour autant se sentir autrement qu’à distance.

Collant aux basques d’une héroïne expatriée (Karin Viard, parfaite comme d’hab) dont le sens du devoir et de l’honneur va progressivement faire écho à celui des Japonais (un cliché culturel dont on se demande sans cesse s’il est conscient ou pas), le film construit donc une narration à cheval entre la logique du drame social – teinté d’une satire de l’entreprise qu’un personnage de technocrate infect joué par Philippe Uchan a tôt fait de rendre caricaturale – et les codes du pur suspense catastrophe, ici activé en huis clos par la seule présence des écrans de télévision et des appels téléphoniques régis par la panique. Là-dessus, pas de souci à relever : le cinéaste tient son récit à merveille en matière de rythme et de documentation, mettant sans cesse le doigt sur la désinformation et le mensonge qui planent alors même que l’entraide s’active dans la réalité concrète, et plaçant ainsi la responsabilité individuelle en tant que barrière noble, via un personnage-pivot dont l’« héroïsme » se retrouve du même coup mis en perspective.

En revanche, il baisse de plusieurs crans lorsqu’il se met à expliciter tout de la façon la plus lourde qui soit, aussi bien en ouvrant son film par une relecture nippone d’une célèbre chanson de Ray Ventura (laquelle appuie beaucoup trop les paradoxes à venir) ou en transformant trop souvent son scénario en une mare de clichés classiques dans laquelle tous les personnages sont condamnés à patauger. Sans oublier le plus gros défaut, purement structurel, de ce scénario : placer chaque nouveau stade de catastrophe (d’abord le séisme, puis le tsunami, puis les explosions successives de chaque réacteur…) à des articulations précises du récit où l’héroïne semble tout à coup aller à l’encontre de sa propre dignité (annoncer son renvoi à un collègue pourtant promis à une embauche, nier le danger imminent en improvisant l’anniversaire de sa fille, etc…). Cela résume bien le principe humaniste – mais hélas pas très subtil – de "Tokyo Shaking" : un petit tremblement de terre à chaque petit polissage d’ego, histoire que le rappel à l’ordre et le retour de la bonne conscience passent comme une lettre à la poste.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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