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LA TENDRE INDIFFÉRENCE DU MONDE

Un film de Adilkhan Yerzhanov

Une oeuvre coup de poing transcendante et mélancolique

La belle Saltanat est envoyée en ville pour un mariage arrangé. Son ami d’enfance et chevalier servant, Kuandyk, l’accompagne dans ce périple afin de veiller sur elle. Mais là-bas, ils vont découvrir une nouvelle réalité, un monde dominé par la noirceur et la corruption…

Présenté dans la section Un Certain Regard du Festival de Cannes 2018, "La Tendre Indifférence du monde" est une fable audacieuse et bouleversante, ironique et pamphlétaire. À travers le conte de la jeune Saltanat, beauté candide envoyée dans le vrai monde – celui d’une grande ville, reflet de la société kazakhe –, c’est à la noirceur et la cruauté de notre époque que s’attaque Adilkhan Yerzhanov. Lorsque celle-ci et son fidèle protecteur quittent le foyer familial, suite à un mariage arrangé afin de rembourser leurs nombreuses dettes, le périple se transforme en un questionnement sur la possibilité de s’enrichir sans trahir ses convictions, dans un pays dominé par les magouilles et les malversations.

À l’image de ce plan d’ouverture, où une fleur immaculée se voit tachée par quelques gouttes de sang, le propos est sans équivoque quant à la difficulté de ne pas voir sa pureté corrompue par la bassesse des hommes. Éminemment pictural, le film est d’une beauté saisissante, jouant des contrastes visuels à la merveille, notamment à travers cette lumière éblouissante malgré le pessimisme de l’intrigue. Tableau animé, le métrage s’amuse à enfermer ses protagonistes dans des cadres tout en disséminant des figures oniriques, comme ce personnage principal semblant flotter avec sa robe rouge et son ombrelle au-dessus des terres poussiéreuses traversées.

Hommage à la culture française et à la création artistique en elle-même, cette odyssée poétique séduit par l’esthétisme de sa forme, mais s’illustre par la puissance de son message. Osant convier le facétieux à une sinistre réalité, le réalisateur signe un récit romanesque poignant, sublimé par une mise en scène maîtrisée qui n’est pas sans rappeler un certain Takeshi Kitano. Pour tout cinéphile qui se respecte, le nom d’Adilkhan Yerzhanov ne peut désormais plus être ignoré.

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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