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TAJ MAHAL

Un film de Nicolas Saada

Naufrage complet

Une famille, dont le père vient d'obtenir un poste en Inde pour deux ans, est sur le point de s'installer à Bombay. En attendant que leur maison soit prête, ils sont logés à grand frais dans le luxueux Hôtel Taj Mahal. Un soir, alors que Louise, la fille de 18 ans, est restée seule dans sa chambre, refusant d'accompagner ses parents à une soirée, l'hôtel est pris d'assaut par des terroristes...

Le moins que l'on puisse dire, c'est que "Taj Mahal" sort en salles, malheureusement, à point nommé. Les attentats du vendredi 13 novembre 2015 à Paris donneront sans doute à ce navet de luxe, un éclairage particulier. Une mise en lumière d'autant plus regrettable, que le film, ayant pour principe de base de ne rien montrer des terroristes ni de l'horreur, se concentre désespérément sur la pauvre petite fille riche, et manque cruellement d'un quelconque réel point de vue.

Pour son deuxième long métrage, le réalisateur d'"Espion(s)" avec Guillaume Canet et Géraldine Pailhas, tenait pourtant un sujet en or. Et l'on se demande forcément, comment à partir d'un tel fait divers - l'attaque terroriste dans l'hôtel Taj Mahal de Bombay le 26 novembre 2008 -, on a pu aboutir à un scénario aussi navrant, charriant clichés et ressorts dramatiques éculés, pour finalement traiter si peu son sujet initial. La faute certainement à un parti pris de départ mal exploité : ne s'intéresser qu'à une famille dans ses liens intimes (mari, femme, fille...) et donc ne jamais montrer les actions, ni du personnel de l'hôtel ou des locaux, ni des terroristes, dont la présence est toujours seulement suggérée (principalement par des détonations et effets sonores, à peine anxiogènes).

L'idée n'était pourtant pas forcément mauvaise, mais il faut dire que les premières scènes prennent à peine le temps de poser les personnages, montrant schématiquement l'intelligence du couple, ouverte sur le monde, alors que leurs collaborateurs sont forcément idiots et intéressés par leur nombril de colonisateurs économiques. Les ficelles sont tellement grosses que certains auront forcément envie de rire, d'autant que les incohérences ne manquent pas dans le balisage même de l'espérée tension (ah ! le discours sur le balcon grillagé... dont une deuxième partie est tout à coup ouverte, on ne sait trop pourquoi !).

Rien ne nous sera épargné, des dialogues calamiteux (les réactions des parents sont juste à pleurer...) aux clichés les plus ridicules (le gentil indien qui offre des chaussures, le mémorial avec la photo du groom...), en passant par la musique aux violons appuyés qui tente désespérément d'insuffler une tension, ou les montagnes de mauvaises idées scénaristiques : l'inutile scène du contrôle de police, l'accès si facile des rues pourtant fermées par les autorités, le retour dans la pièce enfumée pour récupérer son appareil photo, les parents qui tendent les bras vers la passerelle... J'en passe et des meilleures !

Au final, malgré l'implication de la jeune Stacy Martin ("Nymphomaniac"), "Taj Mahal", qui trouve peut-être sur la fin son vrai sujet (comment recommencer à vivre normalement après un tel événement ?), mais ne prend nullement le temps d'en aborder le traitement, s'avère un film tout simplement calamiteux de bout en bout. On sauvera juste les prises de vues intérieures de l'hôtel, qui captivent un temps au début, installant la prison de soie dans laquelle sera prise au piège l'héroïne. Mais on avouera qu'on finirait presque, au vu du reste du film, par les interpréter comme un hypocrite placement de produit, pour un hôtel de luxe reconstruit... Heureusement, ce n'est nullement le cas, car seule la façade aura été filmée sur place, le reste relevant d'une reconstitution en images numériques. Ouf.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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