STARS AT NOON

Un film de Claire Denis

Luxure et espionnage, la recette réinventée par Claire Denis

Une jeune journaliste cherche à fuir le Nicaragua par tous les moyens, se sentant en danger. Sa rencontre avec un bel Anglais lui laissait espérer un départ rapide. C’est tout le contraire qui va se produire…

Stars at noon film movie

Grand Prix du 75ème Festival de Cannes, ex-aequo avec l’excellent "Close" de Lukas Dhont, "Stars at Noon" est un objet cinématographique radical, en ce sens où toute narration est abandonnée au profit de l’atmosphère, les sensations privilégiées à l’intrigue. Dès les premières minutes, le choix pour le spectateur est alors simple : accepter l’exercice de style proposé et s’abandonner à cette expérience sensuelle, ou chercher des réponses aux différentes questions du film, et trouver le temps très long. Car si ce thriller repose bien sur quelques éléments de contexte, ceux-ci ne font qu’épaissir le nébuleux mystère qui entoure les pérégrinations des personnages.

On comprend vaguement que nous sommes au Nicaragua, en proie à une corruption systémique et où la liberté de la presse n’est pas vraiment un droit fondamental. Trish, journaliste américaine, doit fuir le pays. Pourquoi ? On ne connaîtra jamais les raisons. Il se pourrait même qu’elle n’exerce pas véritablement ce métier. Elle multiplie les relations, a besoin d’argent, le brouillard ne fait que grossir. Elle rencontre un Anglais, figure immaculée de blanc, celui de l’espoir ? Pas sûr non plus. Les mensonges se multiplient, un jeu de dupes s’installe. Qui est la victime ? Qui est sincère ? Tout est trouble…

Claire Denis, cinéaste des corps, réussit peut-être ce dont elle avait toujours rêvé : réaliser un métrage fondé uniquement sur le charnel. De cette volupté, elle parvient à en faire un drame façon Hollywood des années 80 tout en y injectant une moiteur omniprésente, la chaleur de l’exotisme pour coller aux protagonistes, la sueur comme matière de l’érotisation. Au cœur de cette canicule, chaque déplacement prend une autre dimension, appuyé par la musique enivrante du jazz des Tinderstick. Au-delà de la performance plastique, la réalisatrice française élève sa protagoniste au rang d’être mystique, agneau égaré parmi la meute des loups en rut qui se transforme en moteur de l’action, imposant le rythme aux différentes rencontres et au film.

Le résultat n’est pas parfaitement concluant, aurait probablement mérité un scénario un peu plus construit pour soutenir ces partis-pris esthétiques et dépasser le formalisme de la manœuvre. Mais si on gratte derrière l’apparente vacuité des dialogues, il y a définitivement quelque chose dans ce "Stars at Noon". À vous de décider si vous voulez l’explorer !

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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