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SANS JAMAIS LE DIRE

Un film de Tereza Nvotová

Un drame âpre et saisissant

À 17 ans, Léna est libre et insouciante. Elle profite de sa jeunesse à se déhancher sur les pistes de danse et à abuser de l’alcool avec sa meilleure amie. Mais son monde va s’écrouler le jour où elle sera victime d’une agression sexuelle…

Un visage de jeune fille. Des médecins qui s’affairent autour d’elle. Des électrochocs qui lui sont posés sur le front. Cut. Lumière artificielle bleutée d’une boîte de nuit. Léna se déchaîne sur le dance floor, le sourire aux lèvres. Cut. L’adolescente est chez elle, au sein d’un foyer aimant où l’attention se focalise plus sur le cadet, atteint d’un handicap mental. Ces scènes inaugurales interrogent, intriguent sur leur temporalité. À l’image de ce prologue, le film ne cessera jamais de surprendre, de balader le spectateur dans la tortueuse rémission d’une gamine victime d’un traumatisme, à travers un montage elliptique, maîtrisé et tendu.

Pour son premier long métrage de fiction, Tereza Nvotová a décidé de s’attaquer frontalement au viol. Ici, il n’est pas, contrairement à souvent, un twist ou un point d’orgue scénaristique, mais simplement le point de départ de l’histoire. Violent et soudain. Il n’aura d’ailleurs pas lieu dans une ruelle sombre mais au sein-même de la demeure familiale lorsqu’un professeur de mathématiques commet l’irréparable. L’occasion pour la réalisatrice de rappeler que la plupart des agressions ne sont pas perpétrées par des inconnus mais bien par des proches, dans des endroits a priori sans danger. Et c’est à l’après que la cinéaste va s’intéresser, à la lente guérison d’un corps meurtri, aux stigmates invisibles. Poignant et pudique, le drame intime du personnage principal va se confronter à un système hospitalier d’une véhémence inouïe, où l’on bourre les patients de pilules au lieu de les écouter, où on les accuse de mentir plutôt que de chercher à comprendre leur blessure.

Conviant de véritables jeunes en convalescence, "Sans jamais le dire" ne devient pas pour autant explicatif ou pamphlétaire. Le sujet est ailleurs : dans les yeux cernés d’une enfant incapable de partager sa douloureuse expérience, dans une fiction sensorielle où les murs de la clinique sont autant ceux d’une prison ignoble que ceux métaphoriques de tous les obstacles que doivent affronter celles qui survivent. Puissante et bouleversante, cette chronique sans concession réussit à marier avec élégance les tourments confidentiels de la protagoniste à une autopsie peu élogieuse de la gestion du viol en Slovaquie. Mais si le récit se déroule en Europe de l’Est, l’émotion et la sincérité du traitement le rende éminemment universel. Le genre d’œuvres qui vous hante durant de longues minutes après la fin de la projection, tout comme la performance exceptionnelle de la révélation Dominika Moravkova.

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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