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RENOIR

Un film de Gilles Bourdos

La beauté contre la laideur

En 1915, dans sa demeure du domaine des Colettes, à Cagnes-sur-Mer, sur la Côte d’Azur, Auguste Renoir se remet péniblement de la perte de sa femme. Débarque, comme sortie de nulle part, Andrée, une jeune femme rousse, qui deviendra son dernier modèle...

Lors de sa présentation en clôture d'Un certain regard au Festival de Cannes 2012, le nouveau film de Gilles Bourdos (« Inquiétudes », « Et après... ») n'avait pas vraiment fait l'unanimité. À ceux qui lui reprochent d'être un film « lent », on rétorquera que le film est avant tout contemplatif, la caméra de Bourdos filmant avec délicatesse des moments hors du temps, loin d'une guerre qui fait rage (la Première Guerre mondiale) dont le fils de famille, Jean Renoir, est justement revenu, blessé à la jambe. Les paysages sont sublimes, à l'image de la lumière du Var, où a eu lieu le tournage, évoquant l'univers des tableaux du maître, sans pour autant faire référence à des œuvres spécifiques. Une chaleur s'en dégage, faite de couleurs rassurantes et d'un jeu subtil entre plans intérieurs et extérieurs, donnant à la maison, en tant que foyer, toute son importance de lieu protecteur.

Mais avant d'être un aperçu des derniers moments de la vie du peintre Auguste Renoir, avant de donner quelques bribes d'explication quant aux envies de cinéma de Jean Renoir, clairement influencé par la muse de son père, qui deviendra son amante, le film est avant tout le reflet d'une lutte entre beauté et laideur. Il s'agit certes de la beauté d'une jeune femme aux cheveux d'une rousseur incroyable contre la laideur des hommes blessés, défigurés, qui apparaissent comme des fantômes dans ces champs qui entourent le domaine. Mais derrière cela c'est la beauté d'un lieu paisible que l'auteur met en opposition avec la laideur d'une guerre que l'on sent se rapprocher, c'est la douceur de l’opulence mise face à une extrême pauvreté, ou encore la pureté de la jeunesse en fleur face à la maladie qui ronge le peintre, et détruit progressivement son corps de vieillard.

Difficile donc, de ne pas se laisser séduire par cette atmosphère suspendue hors du temps, reflet d'une époque où certains échappaient au conflit, alors que d'autres y perdaient tout. L'émotion pointe il est vrai son nez en de rares moments, mais l'implication des interprètes rend l'entreprise attachante. Christa Theret (« L.O.L. ») prouve ici, après sa décevante prestation dans « L'Homme qui rit », qu'elle est l'une des jeunes actrices les plus prometteuses du moment. Effrontée, passionnée, elle représente la fougue de la jeunesse, spontanée et naturelle autant que parfois inaccessible. Michel Bouquet, tout en sobriété, n'étonne pas vraiment, s'avérant plus touchant par sa transformation physique, les conséquences de la polyarthrite rhumatoïde sur ses articulations étant très bien rendues. Enfin, Vincent Rottiers force l'admiration, entre indécision de la jeunesse et droiture finement dosée. À eux trois ils forment un triangle quasi amoureux qui restera dans les mémoires pour la complexité des sentiments véhiculés et sa luminosité, à l'image du cadre estival dans lequel ils trouvent, ou non, une concrétisation à leurs élans.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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