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PIONEER

Un film de Erik Skjoldbjærg

Au fond de l’abysse… au sens figuré !

1980, Norvège. Un gigantesque gisement de pétrole est découvert dans les profondeurs des fonds marins. L’État norvégien collabore avec les États-Unis pour débuter l’extraction du pétrole. Petter et son frère font partie des plongeurs envoyés dans les eaux abyssales pour cette mission. Lors de l’une de leurs descentes, un étrange accident arrive à l’un d’eux. Commence alors une incroyable quête de vérité…

Pour beaucoup de cinéphiles, le Norvégien Erik Skjoldbjaerg n’est connu au niveau international que pour un petit thriller arctique de 1997, "Insomnia", qui aura connu l’honneur d’un remake américain encore plus réussi, réalisé cinq ans plus tard par Christopher Nolan. Mais il est surtout l’auteur de "Hold up", un autre petit thriller sorti en 2012 et passé inaperçu à sa sortie en salles, qui présentait le sacré avantage d’aborder un fait divers au travers des conventions d’un pur film de genre. "Pioneer" semble avoir tout pour prolonger ce parti pris : un scénario tiré d’une histoire vraie (durant les années 80, un scandale national éclata entre la Norvège et les Etats-Unis sur la question de l’extraction pétrolière), une trame narrative qui navigue du film sous-marin quasi documentaire vers le thriller paranoïaque, un protagoniste qui se confronte autant à sa propre culpabilité qu’au spectre répugnant de la raison d’État.

C’est du moins ce que l’on pourrait croire pendant la première demi-heure, plutôt maîtrisée, où Skjoldbjaerg gère habilement une montée en tension crescendo plutôt prenante, au travers de scènes sous-marines d’une beauté envoûtante (ici renforcée par les nappes électroniques du groupe Air) et grâce à une caméra portée qui procure un sacré impact aux scènes situées dans des décors exigus. De mémoire, la sensation de claustrophobie et d’étouffement n’avait pas été aussi perceptible depuis "U-571" de Jonathan Mostow. Certes, Skjoldbjaerg en rajoute parfois inutilement dans l’explicite, à travers un floutage de l’image qui donne à celle-ci la sensation de suer autant que les personnages, mais cet effet ne se répète fort heureusement que très peu sur l’ensemble du métrage.

Malheureusement dès que le cœur du récit s’active (un accident en pleine plongée dans la mer du Nord), le film prend rapidement l’eau, victime d’une histoire qui, malgré une gestion globalement assez efficace de la tension, se contente de resservir une soupe tiède à base de paranoïa et d’indignation d’un homme confronté à la raison d’État. Dès lors, le fait divers reprend hélas ses droits et la mise en scène fait preuve d’un sacré manque d’inspiration, Skjoldbjaerg se contentant de rester à la surface des faits sans accentuer sa descente vers les profondeurs insoupçonnées de cette histoire vraie. Par manque de singularité et par absence d’un vrai point de vue, "Pioneer" se transforme alors en polar ordinaire, davantage destiné à une diffusion télévisuelle qu’à une immersion du public en salle obscure.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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